Photo: Mile Ribeiro @ Pexels
Le film Jaws, sorti en 1975, a implanté une peur irrationnelle des requins sur deux générations. Au grand détriment des squales, dont les populations diminuent dans l’indifférence des humains.
Aimes-tu les vieux films d’horreur ? Quelle que soit ta réponse, tu connais sûrement (au moins de nom) le classique Jaws (ou Les dents de la mer en français), réalisé en 1975 par Steven Spielberg et inspiré d’un roman de Peter Benchley. Ce film, dans lequel des humains doivent combattre un immense requin mangeur d’hommes, a inculqué la peur des requins à deux générations et continue, cinquante ans plus tard, de peser lourdement sur leur image.
Le film a en effet “démonisé” ces animaux, les présentant comme des prédateurs implacables et viscéralement attirés par les proies humaines. Cette vision sensationnaliste, mais mensongère, amplifiée par la musique angoissante et la mise en scène, a suscité une peur irrationnelle, qui a marqué durablement l’opinion publique.
Ce climat de peur a entraîné une augmentation des pêches récréatives ciblant les requins, notamment via des tournois de pêche prisés aux États-Unis. Même si cette forme de pêche est restée marginale et n’est pas responsable du déclin global des populations de requins, elle a pu accentuer la baisse qui était déjà en cours, en particulier pour les grands requins blancs, dont les captures diminuaient déjà depuis le milieu des années 1950.
Cependant, les spécialistes soulignent que le principal facteur de l’effondrement des populations de requins reste la pêche industrielle : aujourd’hui, environ 100 millions de requins sont tués chaque année, notamment pour leurs ailerons et leur chair. Selon une étude publiée en 2021, ces pratiques ont entraîné une chute moyenne de 71 % des populations de requins et raies depuis 1970. Jaws n’a donc pas causé l’apocalypse, mais il a contribué à rationaliser et à légitimer une hostilité qui s’appuyait déjà sur des idées fausses.
La sortie du film a quand même eu un impact positif imprévu : elle a inspiré une nouvelle génération de scientifiques à étudier les requins et à mieux comprendre leur comportement et leur rôle écologique. Grâce à des technologies modernes (balises acoustiques, drones, etc.), les chercheurs ont aujourd’hui une connaissance beaucoup plus fine de leur écologie .
Aujourd’hui, la société commence à s’éloigner de l’image féroce de Jaws, en remettant en cause des termes comme “attaque de requin” et en adoptant un discours plus nuancé (les requins « n’attaquent » pas les humains). Mais l’héritage du film perdure : pour beaucoup, il demeure la référence principale sur les requins, alimentant des peurs et des politiques publiques hostiles, comme les abattages ou la pêche sportive. Le défi actuel est donc de remplacer cette image de “tueurs sanguinaires” par celle de créatures écologiquement essentielles et complexes, dignes de protection.
Le savais-tu? On trouve des requins blancs au Canada.