Photo d’un lamantin. Image: Pixabay
La vache marine de Steller est une espèce éteinte de l’ordre des siréniens, comme les lamantins. On vient de séquencer son génome et de comprendre pourquoi elle avait la peau si épaisse.
Le mot sirénien te fait probablement penser à sirène. Au début des années 1800, un zoologiste a fait le même lien que toi lorsqu’il a donné le nom de siréniens à un ordre de mammifères marins dotés d’un corps allongé, d’une queue horizontale et de nageoires pectorales. Il en existe quatre espèces : le dugong, qui vit près des côtes tout autour de l’océan Indien et des îles qui séparent l’Asie du Sud-Est et l’Australie; le lamantin nord-américain dans le golfe du Mexique et plus au sud; le lamantin amazonien, dans les eaux douces du bassin de l’Amazone; et le lamantin africain, à l’ouest de l’Afrique subsaharienne.
À première vue, ces mammifères peuvent ressembler aux cétacés, mais il s’agit bien d’un ordre distinct. L’ordre des cétacés descend d’animaux carnivores et est proches parents des hippopotames, alors que les siréniens, eux, ont un ancêtre en commun avec les éléphants. C’est un exemple de convergence évolutive, c’est-à-dire que deux groupes différents ont évolué de façon comparable au fil du temps, probablement à cause de conditions de vie semblables.
Si les siréniens mesurent environ 3 mètres, une autre espèce disparue depuis à peine quelques siècles pouvait atteindre, elle, 8 ou 9 mètres de long : la vache marine de Steller. Pesant jusqu’à 10 tonnes, elle nageait dans les eaux froides du nord du Pacifique, des côtes du Japon à celles de la côte ouest des États-Unis, en passant par l’est de la Sibérie et la côte sud de l’Alaska. Exterminée par les humains il y a 250 ans, il existe des descriptions d’elle, et on peut encore trouver des ossements sur les rives de certaines îles du détroit de Béring.
Les lamantins et dugongs d’aujourd’hui vivent en eaux tropicales et ont une peau plutôt lisse. Découverte et décrite en 1741 par le naturaliste allemand Georg Wilhelm Steller et plus tard nommée d’après lui, la vache marine de Steller était adaptée aux eaux polaires froides et sa peau était très épaisse et rugueuse. Steller la décrivait comme « une peau si épaisse qu’elle ressemble plus à l’écorce d’un vieux chêne qu’à la peau d’un animal ».
Une équipe de recherche internationale a récemment réussi à déchiffrer le génome de cette espèce glaciaire à partir d’ossements fossiles de douze individus différents. Et le secret de sa peau épaisse a pu être révélé. Dans son génome, certains gènes responsables de la couche la plus externe de l’épiderme chez les mammifères étaient inactivés. Chez les humains, ces gènes fonctionnent, mais lorsqu’un défaut génétique les rend inopérants, cela conduit à ce qu’on appelle l’ichtyose, ou « maladie des écailles de poisson ». Cela se caractérise par un épaississement et un durcissement de la couche supérieure de la peau avec de grandes « écailles ».
C’est un exemple impressionnant de la façon dont les défauts génétiques peuvent non seulement provoquer des maladies, mais aussi présenter des avantages en fonction de l’habitat. Car la peau plus épaisse de la vache marine de Steller contribuait à la protéger contre le froid.