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23 juin 2025
Temps de lecture : 4 minutes

Ethnologue

Photo: Ben Ostrower @ Unsplash.com

8,2 milliards. C’est le nombre d’humains qui peuplent la Terre (en mars 2025). Et tous ces humains forment de très nombreuses cultures. Les ethnologues ont la mission de rendre compte de la diversité de ces cultures qui coexistent sur notre planète. Pour cela, ils et elles réalisent une véritable enquête pour s’immerger dans le mode de vie du groupe étudié.

Les ethnologues peuvent aussi s’intéresser aux populations immigrantes au Québec, aux Autochtones, ou encore aux groupes sociaux ou ethniques plus lointains comme des communautés péruviennes, les Aborigènes d’Australie… Leur objectif: étudier les modes de vie et de pensée, les rites et les croyances, les interactions entre groupes, les dimensions politiques, sociales et culturelles. Le sujet d’étude des ethnologues peut même être une institution, comme une école ou un milieu spécifique tel qu’une banlieue…

Ingrid Hall, ethnologue
Depuis 2010, Ingrid s’intéresse aux pratiques de conservation des nombreuses variétés de pommes de terre dans des communautés paysannes du Pérou. Chaque année, elle passe quelques mois au « Parque de la papa » (le parc de la pomme de terre), l’une des  zones de biodiversité cultivée les plus importantes en Amérique du Sud, où l’on fait pousser plus de 1 000 variétés de patates. En plus de ses travaux de recherche, Ingrid enseigne l’ethnologie à l’Université de Montréal.

Articles parus dans Québec Science en lien avec la profession d’ethnologue:
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Entrevue

Entrevue avec Ingrid

Qu’est-ce qui t’a attirée vers l’ethnologie ?
C’est d’abord par ma première profession d’ingénieure agronome que je me suis découvert une passion pour l’ethnologie. J’ai voyagé en Inde, au Brésil, à Madagascar, au Pérou pour développer de nouvelles techniques agronomiques. J’ai réalisé qu’il était difficile de proposer des solutions sans tenir compte de la culture des gens, en plus des ressources agricoles locales. Ce point de vue social et historique m’échappait complètement et je n’avais aucun outil pour l’appréhender. En rentrant de voyage, un jour, j’ai décidé de m’inscrire en ethnologie.

En quoi l’ethnologie est-elle importante ?
C’est la meilleure discipline pour rendre compte de la perspective des gens localement. Certes, les ethnologues ont des problématiques de recherche définies, mais ils vont à la rencontre des gens pour y répondre. 

Qu’étudies-tu sur le terrain ?
Le « Parque de la papa » regroupe cinq communautés paysannes; il a été mis sur pied grâce à l’aide d’une ONG péruvienne (Andes) et le Centre international de la pomme de terre, basé à Lima, les aide dans leurs activités de conservation des variétés de pommes de terre. Tous ces individus sont engagés dans la conservation du tubercule, travaillent ensemble, partagent un même objectif. Pourtant, la biodiversité ne représente pas la même chose aux yeux de tous ces gens. Les paysans produisent ce qu’ils vont manger et ils acquièrent les différentes variétés par leurs réseaux familiaux. Pour leur part, les scientifiques visent plutôt à protéger les ressources génétiques en laboratoire. Ces pratiques me permettent de mieux comprendre les rapports des humains entre eux et ceux qu’ils tissent avec l’environnement. 

Est-ce que ça se passe toujours bien avec les gens de la communauté ?
À mon arrivée au Pérou, j’ai dû présenter mon projet à tous les acteurs de l’ONG, du Parc de la pomme de terre et du Centre international de la pomme de terre. Ils ont ensuite voté pour décider si je restais ou non (oui, heureusement !). La teneur académique de mon travail semble échapper à mes interlocuteurs qui n’ont qu’une vague idée de ce qu’est l’ethnologie. Mais dans le processus de recherche, j’essaie de leur être utile quand c’est possible. Maintenant, j’y retourne tous les ans et je suis marraine de plusieurs enfants là-bas ! 

Qu’est-ce qui te motive le plus dans ton travail ?
J’adore partir sur le terrain. C’est fascinant d’essayer de déchiffrer des pratiques qui sont si différentes des nôtres et que l’on ne comprend pas au premier abord.

Quel est l’aspect le plus désagréable de ton métier ?
Le cœur de mon travail, c’est le terrain. Mais avec l’enseignement et la vie universitaire, je manque de temps pour dépouiller mes données, lire, écrire, analyser. Cette pression du temps et de toutes mes activités d’enseignement génère parfois des frustrations.

Avec quels autres professionnels travailles-tu?
Je communique régulièrement avec des collègues ethnologues en France et ici, avec une géographe de l’Université de Montréal ainsi qu’un ethnobotaniste du Jardin botanique de Montréal. Des étudiants au doctorat m’accompagnent parfois au Pérou. 

Est-ce intrigant d’étudier d’autres humains?
Oui vraiment. Ça m’apprend à penser autrement, à mieux me connaître. Au Pérou par exemple, il faut être extrêmement calme, sinon on vous prend vite pour une folle ! D’origine française, je suis assez mal armée pour cela, j’ai souvent tendance à dire les choses en face et à être impulsive. Là-bas, cette attitude ne marche pas. D’ailleurs, cette expérience sur le terrain m’a beaucoup aidé à m’intégrer au Québec. 

As-tu une anecdote à nous raconter ?
Alors que j’étais sur le terrain depuis trois mois, un des informateurs que j’apprécie beaucoup m’a dit que j’étais un « bébé ». J’étais un peu vexée sur le coup. Finalement, il m’a expliqué que c’était parce que j’apprenais plein de choses en leur compagnie. Un peu comme un enfant avec ses parents.

Un conseil pour les jeunes qui veulent suivre ta voie ?
Le moteur de ce métier est la curiosité. Il faut aller au-delà des apparences et ne pas se satisfaire des réponses faciles et rapides. C’est un trait de caractère que l’on peut développer à chaque voyage, même près de chez soi en s’intéressant au quotidien des gens.

Journée type

Une journée dans la vie d’Ingrid

À Montréal, les journées d’Ingrid ressemblent beaucoup à celles des autres enseignants-chercheurs. Elle prépare ses cours, épaule ses étudiants et étudiantes, lit des publications scientifiques pour se tenir à jour de l’actualité dans son domaine. Elle analyse aussi les données recueillies durant les mois passés sur le terrain et rédige des articles scientifiques.

Le cœur du travail de l’ethnologue, c’est le terrain. Et cette phase du travail, pour Ingrid, se déroule au Pérou. Elle prend l’avion pour Lima, la capitale du Pérou, puis se rend à Cusco. Là, elle rencontre le personnel de l’ONG qui veille au bon fonctionnement du Parc. Ensuite, il lui faut encore se rendre au Parc de la pomme de terre, dans des communautés situées au-delà de 3 700 mètres d’altitude. Là-haut, Ingrid vit au rythme de la famille qui l’accueille et chaque journée est différente. Après un petit déjeuner familial, elle chausse ses bottes de marche et suit tant bien que mal Adrian, le père de famille, jusqu’à la parcelle située 300 mètres plus haut. Elle aide à récolter les pommes de terre et le père de famille les identifie pour elle. Son passé d’agronome lui est alors bien utile. Pendant les pauses, l’ethnologue sort papier et crayon, ou son dictaphone, et discute avec le paysan.

Elle immortalise aussi ces moments avec son appareil photo. Au retour dans la communauté, Ingrid en profite pour parler de choses et d’autres avec la femme et les enfants de la maison. Lorsque le calme règne dans le village, elle rejoint sa chambre et continue de compiler les informations récoltées dans la journée. Une bonne nuit de sommeil et l’ethnologue est prête pour une nouvelle journée bien rythmée ! 

Avant son retour à Montréal, Ingrid repasse par Lima, la capitale du Pérou, pour rencontrer les personnes du Centre international de la pomme de terre.

Études

Le parcours universitaire d’Ingrid
Originaire de France, Ingrid a d’abord obtenu l’équivalent d’une maîtrise en agronomie. Elle s’est ensuite réorientée et a refait une maîtrise, puis un doctorat, cette fois en ethnologie à l’Université Paris-Ouest-Nanterre-La Défense. Quelques années plus tard, elle a accepté le poste d’enseignante-chercheuse qu’elle occupe actuellement à l’Université de Montréal.

Au Cégep :
– DEC ou l’équivalent 

À l’Université :
Pour faire de la recherche en ethnologie, comme Ingrid, il faut réaliser un baccalauréat, une maîtrise et un doctorat en ethnologie ou dans une autre discipline connexe.

Voici quelques programmes offerts au Québec :

Baccalauréat :
– Anhropologie et ethnologie, offert à l’Université Concordia, l’Université de Montréal, l’Université du Québec à Chicoutimi, l’Université Laval et l’Université McGill.
– Sociologie, offert dans de nombreuses universités au Québec.
-Archéologie et Études anciennes, offert à l’Université Bishop’s, l’Université Concordia, l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université McGill.

Maîtrise :
– Ethnologie et patrimoine, offert à l’Université Laval.
– Anthropologie, offert à l’Université de Montréal.

Et après ?
Les ethnologues travaillent dans les établissements d’enseignement universitaire, pour les gouvernements fédéral et provincial, dans des musées ou au service des entreprises.

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