En 1973, durant les années de sa construction, j’ai bien connu la route de la baie James. C’était au temps desponts de glace, des trains routiers surdimensionnés; 620 km de chemin coulant, de neige tapée, de poudreuse, de froids extrêmes et d’isolement complet. C’était la découverte de la taïga, sa tranquillité, son éternité, de quoi raconter des histoires à dormir debout. On voyait des petites hardes de caribous des bois en travers de la route, des loups écrasés, de remarquables aurores boréales, des camionneurs en panne qui faisaient brûler leurs énormes pneus de rechange pour se réchauffer, se rassurer, signaler leur présence au cœur de cette grande obscurité.
Je me souviens des convois bloqués par le blizzard, des sandwichs au jambon, des cafés et des cafés, des yeux rougis, des grosses fatigues. Il y a quelques années, on m’a demandé d’écrire un court texte en l’honneur de ces camionneurs héroïques qui ont roulé jour et nuit, 100 heures par semaine, sur cette route dangereuse, au temps mythique des origines, charriant de « l’huile à chauffage », des matériaux de construction, de la machinerie, de la nourriture, kilomètre par kilomètre, vers le Nord, vers les grands chantiers. Mon texte apparaît sur une plaque, au kilomètre 488, je crois.