Illustration: Sébastien Thibault
Au début des années 2010, n’entrait pas qui voulait dans le laboratoire d’Emmanuelle Charpentier. De toute façon, personne ne voulait y aller. Sous haute sécurité et soumis à des protocoles très stricts, l’endroit hébergeait des colonies de Streptococcus pyogenes , l’infâme «bactérie mangeuse de chair». La chercheuse française, alors à l’université d’Umeå, en Suède, a confronté la bête pendant plus de trois ans. Le jeu en valait la chandelle, car le microbe cachait dans ses gènes un outil moléculaire ultra puissant que la professeure a réussi à dompter. D’une bactérie capable de tuer, elle a soutiré une biotechnologie qui sauvera des vies et qui est déjà au cœur d’une incroyable révolution dans le monde de l’ingénierie génétique: CRISPR/Cas9 – ou plus familièrement, dans l’intimité des labos, «CRISPR».
Prononcé à l’anglaise crisper , le nom sonne comme une marque de croustilles ou de chocolat. Il s’agit pourtant de l’outil le plus précis jamais conçu pour modifier les gènes à volonté. Depuis déjà trois ans, il est utilisé dans tous les laboratoires de biologie moléculaire du monde. Percée capitale, découverte fondamentale ou révolution, ces expressions surutilisées en science deviennent des euphémismes quand il est question de CRISPR qui a fait passer le génie génétique de l’âge de pierre à l’ère spatiale.