Vous le savez peut-être, je suis un grand admirateur du philosophe et mathématicien Bertrand Russell (1872-1970). Or, quand j’ai commencé, très jeune, à le fréquenter, j’ai été stupéfait d’apprendre que Russell, homme de gauche, avait aussi été un temps eugéniste. J’allais découvrir rapidement qu’il n’avait pas été le seul dans ce cas. L’eugénisme, même si on l’oublie parfois, a été prôné dès la fin du XIXe siècle par un nombre grandissant de personnes, y compris des intellectuels (conservateurs ou progressistes), et mis en œuvre par des politiciens, eux aussi de toutes allégeances.
De Galton à nous
Tout cela commence avec le cousin de Charles Darwin, Francis Galton (1822-1911). Anthropologue, psychométricien et statisticien, ce savant polyvalent, père de la psychologie différentielle et de la statistique moderne, soutenait que les meilleurs individus produisent les meilleurs rejetons et les moins bons… les moins bons ! Aussi, la société devrait-elle viser à obtenir plus d’enfants des premiers et moins d’enfants des seconds. Le mot « eugénisme », qui vient du grec eu (bien) et gennaô , (engendrer), signifie d’ailleurs « bonne naissance ». Inspirés par cette idée, de nombreux pays vont mettre en place des politiques eugénistes.
Pour aller à l’essentiel, disons que ces programmes comprennent généralement deux volets.