Permettez-moi de revenir à Montréal. En particulier au nord de ce qui est devenu la rue Sherbrooke Ouest, entre Atwater et la rue du Fort, où il y avait jadis un village amérindien.
Plus de 25 familles occupaient l’endroit en permanence, certaines avaient même construit de petites maisons. Vers 1684, les Sulpiciens firent ériger sur les lieux un fort avec de belles tours aux quatre coins, refuge éventuel en cas d’attaques iroquoises. On parlera alors de la Mission de la Montagne, aussi appelée Fort des Messieurs de Saint-Sulpice. Disons que ces Messieurs avaient de grandes urgences évangéliques. Il faut savoir que l’île de Montréal en son entièreté était devenue sulpicienne en 1663, elle appartenait au siège de la communauté à Paris. Remarquez que, de la même manière, l’île Jésus appartenait en propre à Monseigneur Laval. Nous baignons ici dans le religieux, le bien foncier, le vœu de pauvreté.
Selon les saintes statistiques de l’époque, on trouvait près de 250 âmes dans ce village de fortune – des Algonquins kitchesipirinis de l’Outaouais, des Iroquois agniers christianisés, des Hurons-Ouendats réfugiés et peut-être des gens d’autres nations –, tandis que Montréal naissante, à environ un kilomètre au sud, comptait un peu plus de 1 000 habitants. Les Indiens fréquentaient l’Hôtel-Dieu, ils venaient souvent «en ville», traversant des hectares de forêts virginales, pour faire commerce.