Aujourd’hui à la retraite, Luc Bureau a été professeur de géographie à l’Université Laval. Il a notamment écrit: La Terre et moi , Boréal, 1991, Pays et mensonges , Boréal, 1999, L’idiosphère, De Babel au village universel , l’Hexagone, 2001 .
Dans un livre que vous avez écrit il y a quelques années La Terre et moi , vous avez fait un calcul assez amusant en vous demandant combien d’espace de paysages on peut voir dans une vie. Cela mesure notre agitation terrestre, disiez-vous. Vous estimiez en avoir vu vous-même 10 000 km 2 . Est-ce suffisant?
Je ne sais plus. Cela me fait penser à une légende racontée par Tolstoï. Un jour, dans la steppe, le diable propose un marché à un paysan. Ce dernier peut devenir propriétaire de toute la terre qu’il arrivera à circonscrire entre le lever et le coucher du soleil. Le bougre accepte le pacte. Le matin venu, il se met à courir comme un déchaîné. Sans relâche, toute la journée. Mais, à quelques secondes du coucher du soleil, le souffle lui manque. Il tombe d’épuisement et meurt. Le diable le rejoint et creuse un trou de 2 m 2 pour l’enterrer. «Voilà, c’est tout ce qu’il faut de terre à l’homme», grogne-t-il entre ses crocs.