La nuit est tombée sur le plateau de Chajnantor, mais pas le vent glacé. Réfugiés dans notre camionnette, nous tirons de nos sacs tout ce que nous pouvons de chaussettes, de tuques, de gants et de foulards avant de sortir nous-mêmes, entravés par les tubes de nos bonbonnes d’oxygène.
Devant nous, dans les bourrasques de neige, improbable champ de fleurs métalliques, ont poussé des antennes, immobiles. Une alarme retentit soudain. Tels de gigantesques tournesols nocturnes, les voilà qui s’activent dans une chorégraphie parfaite; elles pivotent toutes d’un seul mouvement, puis s’immobilisent à nouveau dans la nuit.
Ce ballet, c’est celui d’ ALMA , pour Atacama Large Millimeter/submillimeter Array. Il s’agit d’une soixantaine d’antennes géantes perchées à 5 000 m d’altitude, attendant patiemment que leur parvienne du ciel le murmure des galaxies. Les oreilles de la Terre ont enfin commencé à écouter.
Nous sommes au cœur de l’Atacama, le désert le plus aride du monde, au nord du Chili. Les touristes qui affluent à la ville voisine de San Pedro ignorent, pour la plupart, que, à quelques dizaines de kilomètres d’eux, pas moins de 360 employés s’affairent à orchestrer dans leurs moindres détails les observations scientifiques les plus prometteuses de l’astronomie moderne.