Je reviens en Abitibi, encore une fois. Je porte mon attention sur le monde fabuleux de sa toponymie. Nous sommes ici dans un pays très jeune; nous sommes ici dans un pays très vieux. Ce fut pendant longtemps le fief de la Compagnie de la baie d’Hudson, là où Algonquins et Métis faisaient la traite des fourrures depuis des générations, dans une forêt boréale vierge.
En 1898, ce territoire fédéral devint québécois en même temps que le Témiscamingue, une région complètement différente. Située plus au sud, cette dernière est riche de sa forêt laurentienne mixte, riche aussi de son potentiel agricole.
Nous vivions alors une époque où le clergé canadien-français combattait les noms de lieux amérindiens, les jugeant honteux et dégradants pour une société qui désirait valoriser sa pureté franco-française au détriment de ses airs métis. Les mots Abitibi et Témiscamingue furent miraculeusement retenus. Le premier signifie «ligne de partage des eaux», le second «grand lac profond». Pour le reste, les références algonquines se firent rares.

Construction du chemin de fer Transcontinental en Abitibi
En Abitibi, les inventeurs de noms de lieux (les toponymistes de ce temps) donnèrent finalement congé aux saints. Le livre des martyrs avait été trop utilisé dans le Québec traditionnel et dans le petit Nord du curé Labelle.