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Dans leurs laboratoires, les biochimistes s’intéressent aux processus chimiques et aux molécules qui œuvrent au sein des organismes vivants. Ils ont par exemple déchiffré le code qui permet de fabriquer tous les êtres vivants : le code génétique (et la molécule d’ADN qui le renferme). Ils ont aussi découvert l’acétaminophène, cette petite pilule blanche qui nous évite bien des maux de tête, et bien d’autres molécules thérapeutiques.
Grâce aux biochimistes, on sait maintenant que la production d’insuline est déficiente chez les diabétiques, et on peut mieux les soigner. La liste de leurs trouvailles s’allonge à l’infini !
Pas étonnant qu’on retrouve les biochimistes un peu partout. Ils et elles développent des médicaments, cherchent les causes de maladies, étudient l’effet des polluants, développent des procédés agroalimentaires… Tout ça, dans des laboratoires. En se servant de produits chimiques, de bactéries, et même de radioactivité, ils arrivent à manipuler des molécules si petites qu’elles ne peuvent même pas être vues au microscope !
Christiane Ayotte, biochimiste
Christiane Ayotte a été la directrice du Laboratoire de contrôle du dopage sportif de 1991 à 2024. Chaque année, elle et son équipe ont analysé l’urine de milliers d’athlètes en provenance de partout pour s’assurer qu’ils et elles pratiquaient leur sport de façon légale, sans prendre de produits dopants.
Elle a dirigé aussi des étudiants à la maîtrise et au doctorat afin de mettre au point de nouvelles méthodes pour détecter les drogues. Elle a pris sa retraite en mai 2024.
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Entrevue
Entrevue avec Christiane
Que ressentais-tu lorsque tu tombais sur un sportif coupable ?
Lorsqu’on détectait une drogue, comme un stéroïde anabolisant, dans un échantillon, j’étais extrêmement déçue qu’un autre athlète ait triché. Mais souvent, on ne savait pas si la personne était vraiment coupable. Certains médicaments, comme ceux contre l’asthme, sont interdits, mais un athlète peut y avoir droit s’il est asthmatique. Puisqu’on ignore à qui appartiennent les échantillons d’urine que l’on analyse, on ne sait pas si l’athlète avait le droit d’en prendre.
Cette procédure peut paraître étrange, mais elle permet d’être juste envers tout le monde. Que ça soit l’urine du meilleur joueur de baseball ou du pire joueur de curling, elle sera traitée de la même façon.
Qu’est-ce qui pourrait être amélioré dans la lutte contre le dopage ?
Je pense qu’on est pas mal arrivé au bout de nos possibilités avec nos méthodes d’analyses. Si un athlète a pris un stéroïde il y a quelques mois pour augmenter sa masse musculaire, on ne pourra pas le détecter dans son urine, car il ne sera plus là. Il faut que les organisations responsables des tests antidopage soient présentes au bon moment, afin de tester les athlètes à l’entraînement et pas seulement lors des compétitions.
Y a-t-il une drogue particulièrement dangereuse que prennent les athlètes?
On a retrouvé aux douanes canadiennes des stéroïdes designers. Ce sont des stéroïdes créés dans des laboratoires clandestins et qui n’ont donc pas été testés correctement chez l’humain. On ne connaît pas bien ces drogues : ni ce qu’il y a dedans ni leurs effets. Jusqu’à maintenant, seuls des cercles de sportifs très restreints en prenaient, mais ils gagnent en popularité.
Qu’aimais-tu le plus de ton métier ?
J’aime imaginer les molécules en trois dimensions dans ma tête, j’ai souvent l’impression de faire des casse-têtes. En plus de ce côté très scientifique, j’aime aussi l’aspect humain, les répercussions sociales qui vont avec mon travail. Je pense que tout scientifique a le devoir de s’améliorer et de regarder les conséquences de son travail, non seulement dans le laboratoire, mais aussi dans la société. C’est pour ça que je fais autant de sensibilisation.
Ta bataille contre le dopage a-t-elle été frustrante ?
Oui, je suis très impatiente ! Surtout lorsque les fédérations sportives ne prennent pas leurs responsabilités. Certains produits ne sont toujours pas bannis alors qu’ils devraient l’être. On a même retiré de la liste des produits interdits certaines substances comme la pseudoéphédrine et la caféine, alors qu’elles auraient dû rester illégales. On sait que les jeunes en prennent pour augmenter leurs performances, et on les laisse faire. J’ai du mal avec ça !
Journée type
Une journée dans la vie de Christiane
Le Laboratoire du contrôle du dopage sportif est situé à l’Institut national de recherche scientifique (INRS), à Laval. Lorsque sa directrice Christiane arrivait le matin, une montagne de travail l’attendait. Revivons une journée de son ancien emploi.
Ce matin, elle doit analyser les résultats d’un test effectué sur l’urine d’un athlète. L’urine, c’est un réservoir pour le corps, explique-t-elle. Tout ce qui est mangé, bu, fumé, mis sur la peau (dans une crème par exemple) finit par s’y retrouver.
La veille, son équipe a analysé un échantillon à l’aide d’un spectromètre de masse, un appareil de pointe permettant de déterminer la formule des composés chimiques. Christiane s’en sert pour rechercher les drogues interdites par l’Agence mondiale antidopage. Aujourd’hui, elle doit regarder les résultats de ces analyses. Les techniciens de son laboratoire ont trouvé des traces importantes d’EPO, une drogue de plus en plus utilisée pour augmenter le nombre de globules rouges du sang.
Après avoir analysé attentivement les résultats, Christiane confirme le résultat : positif. Elle devra en avertir Le Centre canadien d’éthique pour le sport.
Un peu avant dîner, elle reçoit la visite d’une équipe de télévision. Elle se fait un point d’honneur de répondre aux questions des médias. Si elle veut que le sport se fasse de façon propre, il ne faut pas seulement jouer au chat et à la souris avec les tricheurs. Il faut aussi sensibiliser la population aux problèmes du dopage.
Après le départ des caméras, Christiane consacre le reste de sa journée à ses activités de recherche. Avec ses étudiants, elle cherche de nouvelles façons de détecter les drogues. Elle en parle avec eux, leur donne des idées, supervise leurs travaux. Elle passe aussi beaucoup de temps en ligne avec d’autres chercheurs qui travaillent avec elle. Elle investit beaucoup d’énergie dans l’amélioration de son laboratoire, pour se donner de nouvelles armes dans la lutte contre le dopage sportif.
Études
Le parcours universitaire de Christiane
Christiane Ayotte a choisi de réaliser un baccalauréat en chimie. Ensuite, elle a fait une maîtrise et un doctorat en chimie organique. C’est lors de son postdoctorat qu’elle a abouti à l’INRS. Elle se servait déjà à l’époque de son spectromètre de masse, mais elle travaillait plutôt en environnement.
Au Cégep :
DEC en sciences de la nature (2 ans)
À l’Université :
Baccalauréat en biochimie (3 ans)
Et après ?
Les biochimistes ont l’embarras du choix ! Faire de la recherche dans l’industrie pharmaceutique, travailler dans des laboratoires cliniques pour analyser les échantillons de sang de patients malades… ou essayer de démasquer les tricheurs sportifs !