Image: World Mosquito Program
Des moustiques infectés par une bactérie sont utilisés comme des chevaux de Troie pour lutter contre la dengue.
Les moustiques excellent dans la transmission de maladies. La bactérie Wolbachia, elle, a un don pour infecter les insectes et saper leur capacité à véhiculer des virus. Introduisez la seconde dans les premiers et vous aurez une arme de choix pour limiter la dissémination de la dengue, de la fièvre jaune ou du virus Zika.
Cette stratégie commence à faire ses preuves, a révélé récemment le World Mosquito Program (WMP). Depuis quelques années, des équipes de ce consortium international de recherche relâchent dans la nature des nuées de moustiques infectés par cette bactérie et les laissent contaminer leurs homologues sauvages.
Les résultats sont prometteurs, en particulier contre la dengue, qui affecte près de 100 millions d’individus par an. « Nous avons mené un essai dans la région de Yogyakarta, en Indonésie, où vivent 65 000 personnes, indique Cameron Simmons, directeur des évaluations d’impact du WMP. Le projet a permis de réduire les cas de dengue de 76 % [NDLR : en deux ans et demi] par rapport à une zone où nous n’avions pas relâché de moustiques infectés par Wolbachia. L’essai a été élargi à une population de 400 000 personnes et nous aurons les résultats prochainement. »
D’autres lâchers effectués au Brésil depuis 2015 ont permis de diminuer les cas de dengue et de chikungunya de manière comparable. Pareillement au Vietnam et en Malaisie. Selon une étude publiée fin 2019 dans Current Biology, des moustiques « traîtres » introduits dans six zones autour de Kuala Lumpur ont fait chuter les cas de dengue de 40 %. Au total, une douzaine de pays ont commencé à relâcher ces petits chevaux de Troie.
Forcer la nature
Présente naturellement chez plus de 40 % des espèces d’insectes, Wolbachia ne colonise pas Aedes aegypti, le vecteur principal de la dengue, sans l’aide de scientifiques. Ces derniers parviennent à forcer les choses en laboratoire : une fois injectée dans un moustique, Wolbachia y entrave la réplication et la dispersion des éventuels virus, probablement en activant les défenses immunitaires de son hôte.
Si la libération de centaines de milliers de moustiques infectés se fait par lots sur 12 à 20 semaines, les résultats sont durables, car la bactérie se transmet de génération en génération. « Wolbachia est encore présente dans la population locale de moustiques huit ans après le premier lâcher en Australie et pourrait s’y maintenir pendant des décennies », affirme Cameron Simmons. Une bonne nouvelle quand on sait que le réchauffement climatique pousse Aedes à gagner du terrain partout dans le monde.
D’autres chercheurs travaillent à modifier génétiquement les moustiques pour les empêcher de transmettre des maladies. C’est ce qu’on appelle le « forçage génétique », qu’on vous expliquait ici.