Image prise en microscopie électronique à balayage montre le virus SARS-CoV-2, qui cause la COVID-19. Les particules virales sont ici colorées en magenta. Image: NIAID
Comment la COVID-19 a-t-elle fait son entrée au Québec? Des analyses génétiques ont permis de retracer la provenance des virus dans la province. On compte au moins 247 introductions qui auraient contribué à la flambée épidémique.
On l’a souvent entendu, mais c’est maintenant confirmé : la semaine de relâche au Québec a favorisé la dispersion du virus au sein de la population. Un groupe d’experts, constitué de chercheurs provenant du Laboratoire de santé publique du Québec (LSPQ) et du Centre de génomique de l’Université McGill, a séquencé plusieurs échantillons prélevés sur des patients infectés par la COVID pour arriver à ce constat.
Leur analyse, qui est préliminaire, dévoile que le virus a été importé dans la province par au moins 247 introductions différentes. Cette importation aurait ensuite mené à la situation que l’on connaît aujourd’hui, avec plus de 70 000 cas au Québec (en date du 25 septembre).
Comment les chercheurs sont-ils arrivés à cette estimation? Rappelons que tous les échantillons nasopharyngés provenant de patients déclarés positifs à la COVID-19 sont envoyés et conservés dans une biobanque. Les chercheurs ont également accès à l’historique de voyage des personnes. Une première analyse a donc été effectuée à partir de ces données sur la période du 25 février au 1er avril. Cet intervalle de temps s’étend du moment où le premier cas de COVID-19 a été déclaré sur le territoire jusqu’à quinze jours après la fermeture des frontières canadiennes.
L’équipe scientifique a ensuite procédé à l’analyse génétique d’un certain nombre d’échantillons. Au final, ils ont obtenu 734 génomes viraux qui ont pu pointer vers 247 lignées différentes du virus. En comparant ces séquences à celles trouvées ailleurs dans le monde, ils ont retrouvé l’origine des différents virus, c’est-à-dire les pays où les Québécois ont été infectés lors de cette première vague. L’Europe compte pour 32,7% des cas, les Caraïbes et l’Amérique latine, 30,9%, et les États-Unis, 23,9%.
«Chez les personnes infectées qui arrivaient d’Europe, il y avait une part importante provenant de la France et de l’Angleterre», détaille Sandrine Moreira, responsable des développements génomiques du LSPQ. Elle souligne également que seulement une poignée de cas provenaient d’Asie (1,2%) et aucun de Chine.
Les virus, qui se propagent d’une personne à une autre, mutent un tout petit peu chaque fois. Les chercheurs sont en mesure de retracer l’origine de l’infection en examinant ces mutations qui s’accumulent au fil de leur propagation. Si la séquence génétique d’un virus trouvé chez un patient possède les mêmes mutations que celle d’une personne vivant en Italie, on peut alors identifier que le virus est originaire d’Italie.
La chercheuse Sandrine Moreira et son équipe s’étonnent de certains résultats qu’ils n’anticipaient pas. «Les virus ne venaient pas nécessairement d’où l’on pensait. Par exemple, des gens sont allés dans les Caraïbes, mais ils n’ont pas rapporté un virus originaire des Caraïbes. Ils ont plutôt rapporté un virus provenant d’Italie, des Pays-Bas ou de l’Allemagne, car ils ont rencontré là-bas des gens qui venaient de ces pays.» Elle compare les Caraïbes à une sorte de plaque tournante qui a favorisé la dissémination du virus.
Un virus venu d’Europe
Les chercheurs ont remarqué la prédominance d’une lignée de virus sur le territoire québécois. «Ce variant est apparu en Europe et est prédominant au Québec», indique Sandrine Moreira.
Des chercheurs du Royaume-Uni, qui ont examiné ce variant, ont remarqué qu’il possède une mutation au niveau de la protéine S, la protéine qui permet au virus d’entrer dans les cellules (mutation 614G). Ce variant semble se retrouver plus fréquemment que les autres dans plusieurs endroits dans le monde. «Selon l’hypothèse de ces chercheurs, cette souche serait plus transmissible et donc plus contagieuse», indique Sandrine Moreira. À noter que les chercheurs britanniques n’ont pas constaté une mortalité plus élevée avec ce variant.
Comme le fait remarquer Jesse Shapiro, chercheur au département de Microbiologie et d’immunologie de l’Université McGill, il manque encore de données pour déterminer si une certaine lignée du virus a été plus présente qu’une autre au Québec. C’est un aspect qui sera étudié lors de prochaines analyses.
Des robots viennent à la rescousse. Pour accélérer le séquençage des génomes viraux, des robots sont mis à contribution pour manipuler les nombreux échantillons. On peut en séquencer ainsi au moins une centaine par jour. C’est l’étape suivante, l’analyse bio informatique, qui est plus longue et prend quelques jours.
247 personnes?
Les chercheurs utilisent le terme «introduction event» ou événement d’introduction dans leur analyse. Cela signifie que ces 247 introductions distinctes ne sont pas véritablement le fait de 247 « personnes ». Jesse Shapiro, de l’Université McGill, donne en exemple une famille de 5 personnes qui revient des Caraïbes, où chaque membre a été infecté. «Ils sont porteurs du même virus, mais nous les comptons comme étant une introduction indépendante du virus sur le territoire. Ils font partie de la même chaîne de transmission», explique-t-il.
Comme le rappelle Sandrine Moreira, ce chiffre reste une estimation. «C’est probablement une sous-estimation, car il est possible que l’on n’ait pas détecté toutes les transmissions».