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07 janvier 2021
Temps de lecture : 2 minutes

Le phytoplancton pousse malgré la nuit polaire

Les ingénieurs de recherche Claudie Marec (Takuvik et CNRS/Université Brest) et José Luis Lagunas (Takuvik) préparent un flotteur Argo pour sa mise à l’eau dans la mer de Baffin. Image: Laboratoire Takuvik

Prisonnier sous la glace, le phytoplancton de l’Arctique réussit à survivre à la quasi-obscurité de l’hiver polaire et même à croître faiblement dans ces conditions hostiles.

Le jeune chercheur Achim Randelhoff au cours d’un périple de recherche en 2014 dans le Svalbard, en Norvège. Image: Arild Sundfjord

Les conditions hivernales sont rudes dans l’océan Arctique : le froid, la chape de glace de quelques mètres, les longues périodes d’obscurité… Les scientifiques croyaient que le phytoplancton, qui a besoin de lumière et qui est à la base de la chaîne alimentaire, s’activait seulement lorsqu’il était libéré de l’épais couvert de glace tard au printemps. Cependant, une équipe internationale de chercheurs a récemment mis en évidence que le plancton végétal peut pousser malgré une très faible luminosité.

« En Arctique, l’hiver est une période de l’année très peu étudiée », souligne Achim Randelhoff, chercheur postdoctoral au laboratoire Takuvik de l’Université Laval et au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) en France et premier auteur de l’étude publiée dans Science Advances en septembre dernier.

Au cours d’une expédition durant l’été 2017, pour découvrir ce qui se passe sous la glace, les océanographes ont mis à l’eau des flotteurs Argo autonomes dans la baie de Baffin, entre le Nunavut et le Groenland. Ressemblant à de longs tubes sophistiqués en position verticale, ces robots sous-marins sont programmés pour éviter les collisions avec la glace et dérivent au gré des courants marins à différentes profondeurs. L’été venu, lorsque la glace fond, ils refont surface et transmettent aux satellites des données fort précieuses pour les chercheurs.

Pendant trois hivers, de 2017 à 2019, quatre Argo munis de plusieurs capteurs ont enregistré la température et la salinité de l’eau, mais aussi la masse du phytoplancton ainsi que son activité photosynthétique (niveau de luminosité, fluorescence, rétrodiffusion de l’eau…). Avec ces données, les chercheurs ont découvert que dès février, malgré la quasi-obscurité sous la glace, il y a augmentation nette de la masse du phytoplancton. Un phénomène rendu possible seulement s’il y a photosynthèse.

Cette faible croissance en hiver aiderait ensuite à l’éclosion du phytoplancton au printemps. « Le phytoplancton possède différentes stratégies pour survivre au long hiver arctique. Il peut produire des spores qui germent au printemps ou il peut croître pendant cette période, même si c’est très faiblement », remarque Achim Randelhoff.

Comment le phytoplancton parvient-il à utiliser si peu de lumière pour sa croissance ? C’est un élément inconnu que le chercheur aimerait explorer pour comprendre ce qui se passe sur le plan physiologique chez ces organismes. Déjà, il s’affaire avec son équipe à concevoir des flotteurs équipés d’instruments dont la sensibilité à la lumière hivernale plutôt faible sera accrue.

Dans les prochaines années, on appréhende les effets du réchauffement climatique. « Si la glace disparaît, il y aura plus de lumière et probablement plus de phytoplancton. Cela risque de perturber profondément toutes les chaînes alimentaires de l’Arctique », redoute l’océanologue.

Contrairement à la fonte de la glace, les cycles solaires sont immuables. « Il y aura toujours une nuit polaire. Ce sera intéressant de voir comment la combinaison de ces contraintes − la disparition de la glace et la nuit polaire − influera sur la croissance du phytoplancton », conclut-il. Sous la loupe des chercheurs, l’hiver arctique promet d’être riche en découvertes.


Ont aussi participé à cette découverte : Léo Lacour, José Lagunas, Gérald Darnis, Louis Fortier* et Marcel Babin, de l’Université Laval, ainsi que des chercheurs de l’Institut universitaire européen de la mer et du CNRS en France, du ministère des Ressources naturelles de la Chine et de l’Université de Hokkaido au Japon.

* Pour Louis Fortier, figure de proue de la recherche océanographique québécoise en Arctique, il s’agit d’une publication posthume, au terme de plus de 30 années d’une carrière des plus prolifiques.

L’avis du jury

Les méthodes utilisées pour récolter les données sont impressionnantes, tout comme la patience et la détermination des chercheurs. Leurs travaux contribuent à faire avancer les connaissances sur l’écosystème de l’Arctique, encore trop peu connu.

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