Levures au microscope électronique
Pour son édition 2020, notre dossier des Découvertes de l’année s’offre une cure de jeunesse! En plus des textes réguliers de nos journalistes, nous avons demandé à des élèves de la quatrième année du secondaire du Collège Sainte-Anne de Lachine de nous présenter à leur façon les découvertes primées.
La science d’ici vue par les jeunes d’ici!
Après 11 ans, des chercheurs de plusieurs universités ont réussi à synthétiser divers médicaments en bonne quantité, à partir de levure de boulanger.
Il y a, chez certaines plantes, des molécules uniques qui sont à la base de plusieurs médicaments, par exemple la tetrahydroisoquinoline (THIQ), à partir de laquelle on peut produire de la codéine, un opiacé antidouleur..
Certaines plantes produisent la THIQ, mais en quantité minimale et cette production n’est pas efficace. Avec la nouvelle levure développée par entre autres par Vincent Martin de l’Université Concordia, à Montréal, la production est largement augmentée: la production de réticuline, par exemple, (une THIQ spécifique) a été multiplié par 57 000.
Comment cette levure a-t-elle été créée? L’ARN (une copie de la moitié de l’ADN) du pavot a été séquencé par les scientifiques. Ils ont identifié les gènes qui permettent la production normale de THIQ chez le pavot. Ils ont synthétisé ceux-ci et les ont insérés dans la levure pour créer un organisme génétiquement modifié. Grâce à cela, la levure est devenue capable de produire de la THIQ.
Pourquoi la levure? Parce qu’elle est un micro-organisme connu depuis des milliers d’années. La production artificielle de THIQ par la levure est moins polluante et requiert moins d’énergie que la méthode traditionnellement utilisée. C’est donc un processus plus durable.
De plus, la levure est assez versatile, on pourrait lui faire produire de nombreuses autres substances. Par exemple, la stévia est une plante qui produit un édulcorant utilisé comme substitut de sucre. Déplacer les gènes de la stevia dans la levure permettrait de produire plus efficacement cet édulcorant.
Pendant ce temps incertain de la COVID-19, plusieurs pharmacies au Canada se sont retrouvées en pénurie de médicaments à cause de la diminution des importations au pays. Mais cette technologie basée sur des levures modifiées nous permettrait d’être plus autosuffisants en médicaments.
Lors des expérimentations, des chercheurs de l’université de Concordia, de l’Université de Californie et du laboratoire de Berkeley, un problème est survenu: la levure mourrait dans le processus de transformation de l’alcool en THIQ. Dans la chaîne de transformation, qui compte une trentaine de molécules intermédiaires, les scientifiques ont dû chercher les molécules toxiques pour la levure et les remplacer par d’autres qui ne l’étaient pas.
Et maintenant? Il ne reste plus qu’à simplifier les étapes pour arriver aux THIQ désirés et ensuite vendre la technologie à des compagnies pharmaceutiques. Certaines d’entre elles discutent déjà d’acheter la plateforme de levure. Selon Vincent Martin à l’Université de Concordia, le développement dans ce domaine va beaucoup plus vite qu’on pourrait le croire. « Là c’est l’humanité en général qui est affectée… ça a l’air de la science-fiction… mais c’est vraiment à notre porte. »
Auteurs: Philippe Cressevich, Charles Sessou, Hannah Tianxin Zheng, Lylia-Keshan Wang, Guillaume Labruguière, Jin Can Yan
Lisez la présentation de cette découverte par l’équipe de Québec Science.