Très réalistes et complexes, les jeux vidéo d’aventure doivent donner des indications aux joueurs pour qu’ils progressent dans leur mission. De plus en plus intégrés à la trame narrative, ces codes sont en train de créer un nouveau langage.
Un gros point d’exclamation au-dessus de la tête d’un personnage, comme on le voit dans World of Warcraft : il n’y a pas si longtemps, c’était presque le seul type de stratégie utilisé pour attirer l’attention du joueur afin de lui donner des indications sur ce qu’il quoi faire. Aujourd’hui, il est possible d’avoir recours à des méthodes plus subtiles et parfaitement intégrées à la trame narrative du jeu. C’est le domaine de recherche d’Erwan Davisseau, professeur en sémiologie appliquée à la création 3D à l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT).
Le chercheur étudie des jeux d’action-aventure en 3D à la troisième personne comme Tomb Raider, Splinter Cell, Prince of Persia. «Ces jeux sont linéaires. Cela signifie que même si on a l’impression qu’on peut faire ce qu’on veut dans de grands espaces où il y a une cinquantaine d’ennemis, on finit toujours par devoir passer par un petit couloir qui nous mène à l’étape suivante», explique-t-il.
Pour guider le joueur, plusieurs stratégies se sont imposées dans les dernières années. Par exemple, on laissera dans l’ombre l’entrée d’un couloir qu’on ne peut pas explorer. Ou encore, pour amener le joueur à escalader une falaise, on dessinera des lignes blanchâtres sur le dessus des pierres où le personnage peut s’agripper, un peu comme des signes d’usure.
«Alors que les jeux se sont grandement complexifiés avec la présence de nombreux détails, ces stratégies qui exploitent notamment la lumière et la saturation, permettent de capter l’attention du joueur et de lui fournir des indications sur ce qu’il est attendu de lui, explique Erwan Davisseau. Grâce à des indices intégrés dans la narration visuelle, on n’a pas besoin d’employer un double langage, comme des icônes placées par-dessus les images pour guider le joueur.»
Bâtir un langage
Erwan Davisseau, qui a travaillé plus de 10 ans dans l’industrie du jeu vidéo, explique que ces méthodes se sont développées de manière naturelle. «Au départ, les développeurs ne savaient pas comment faire pour indiquer aux joueurs où aller, alors ils faisaient des tests, explique-t-il. Puis, quand l’astuce fonctionnait, ils la gardaient et d’autres franchises la reprenaient et vice-versa.»
Ces stratégies sont désormais utilisées de manière transversale dans tous les jeux du genre, même si elles n’ont jamais vraiment été répertoriées ou étudiées. «Porter une attention à ces détails fait partie des habitudes des joueurs maintenant et c’est tout un langage visuel qui est en train de se consolider depuis 2015, indique M. Davisseau. On retrouve même ces stratégies dans les jeux pour enfants. Elles font partie de la culture du jeu vidéo.»
Mais, ce n’est pas un hasard si la recette fonctionne. «Ces jeux parfois extrêmement réalistes sont des copies de notre univers, ce qui permet au joueur d’agir de façon intuitive affirme M. Davisseau. Je pense qu’un jour, tous les objets intégrés dans les jeux, qui font d’ailleurs souvent partie de notre quotidien, seront interactifs.» Comme quoi la réalité dépasse encore la fiction, mais peut-être pas pour longtemps !
Image en ouverture de l’article: Splinter Cell Blacklist/Ubisoft
Cet article a été réalisé en partenariat avec l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue.