Indispensables à l’électrification des transports, les terres rares pourraient être exploitées au Québec dans les prochaines années. Mais il faut d’abord apprendre à les concentrer de façon efficace et sécuritaire.
Depuis quelques années, le gouvernement du Québec montre un intérêt pour développer la production de terres rares, une industrie actuellement dominée par la Chine. Ces métaux sont fort recherchés, car ils entrent dans la fabrication des technologies vertes. D’ailleurs, dans la mire du Québec se trouve le néodyme qu’on retrouve dans les moteurs des véhicules électriques. Pour une exploitation financièrement viable, il faut pouvoir concentrer les minéraux riches en terres rares. C’est ce sur quoi travaille Jean-François Boulanger, professeur en hydrométallurgie à l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT).
Dans les gisements les plus prometteurs au Québec, la roche est composée d’environ 3% de minéraux porteurs de terres rares. La Chine réussit à les concentrer à plus de 30 %. Jean-François Boulanger espère atteindre la même cible avec le procédé de flottation. Il a comme partenaire Commerce Resources qui lui fournit des échantillons du gisement Ashram, situé à 130 km de Kuujjuaq.
«Nous broyons les roches pour que les grains de minéraux soient libérés et c’est cette poudre que nous soumettons au procédé de flottation», explique le chercheur.
Après que de l’eau ait été ajoutée à la poudre dans un réservoir, on brasse le tout et on injecte de l’air au fond, ce qui crée des bulles. Les minéraux de terres rares y adhèrent grâce à l’ajout d’un réactif. En remontant à la surface, ces bulles forment une mousse pleine de minéraux alors que le reste de la matière reste au fond du réservoir.
«Ce procédé existe depuis plus de 100 ans et est déjà utilisé au Canada, notamment pour le cuivre, le nickel et le zinc, indique Jean-François Boulanger. Ces derniers éléments se retrouvent dans des minéraux sulfurés aux propriétés très différentes de celles des phosphates ou carbonates porteurs de terres rares. Les produits chimiques et les approches utilisées doivent donc être différents.»
La Chine et d’autres pays utilisent aussi la flottation pour concentrer les terres rares. Cependant, pour améliorer le rendement, il faut adapter les conditions d’opérations du procédé, notamment la température et la finesse de la roche broyée.
Préoccupations environnementales
Il faudra aussi évaluer les impacts environnementaux avant d’utiliser ce procédé à grande échelle. «Est-ce que les réactifs se retrouvent dans les résidus à la fin du processus des étapes de production du minerai ? Est-ce que l’utilisation de ces produits chimiques pourrait avoir des impacts sur la faune et la flore ? Il y a encore peu de réponses à ces questions lorsqu’on regarde ce qui se fait en Chine», signale le chercheur qui se penche sur le sujet avec ses collègues de l’Institut de recherche sur les mines et l’environnement UQAT-Polytechnique. L’an dernier, six minières partenaires ont annoncé un investissement total de plus de 11 M$ pour renouveler le programme de recherche en environnement minier de cet Institut jusqu’en 2026.
Image en ouverture: Wikimedia Commons
Qu’est-ce que les terres rares ?
C’est un groupe de métaux qui ont tous des propriétés chimiques similaires qui comprend les lanthanides, soit les numéros 57 à 71 du tableau périodique. On y ajoute aussi les numéros 21 (scandium) et 39 (yttrium). Contrairement à ce que laisse entendre leur nom, les terres rares sont relativement abondantes dans la croûte terrestre. Ces éléments sont appelés ainsi parce qu’au moment de leur découverte, au tournant du 19e siècle, les chimistes les estimaient rares tant ils étaient dispersés dans la roche et difficiles à extraire.
Cet article a été réalisé en partenariat avec l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue.