Pour une famille immigrante, l’intégration se vit différemment si elle se déroule en région éloignée plutôt que dans un grand centre urbain. Coup d’œil sur des stratégies gagnantes pour y arriver.
L’Abitibi-Témiscamingue, c’est loin. Un immigrant n’y arrive généralement pas par hasard. D’ailleurs, seulement 0,3% des personnes nouvellement arrivées au Québec ces dernières années ont choisi de s’y établir. Ce sont généralement des immigrants qualifiés qui y ont déniché un emploi à la hauteur de leurs compétences. C’est ce qu’a découvert dans ses recherches doctorales Carol Castro, professeure en travail social à l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT), un établissement dont la moitié du corps professoral est d’ailleurs composé de gens issus de l’immigration.
Originaire du Chili, Carol Castro s’est installée dans la région en 2011 lorsque son conjoint a obtenu un emploi de professeur à l’UQAT. Pendant ses études doctorales, elle a rencontré 28 familles originaires de 15 pays résidant dans la région depuis au moins trois ans. Quelles stratégies ont-elles utilisées pour s’intégrer dans leur nouveau milieu de vie? C’est ce que Carol Castro a voulu découvrir.
La force de la famille
Choc culturel, barrière linguistique, stress, conflits : les familles immigrantes vivent toutes sortes de défis lorsqu’elles arrivent dans leur société d’accueil. Elles doivent s’adapter à leur nouveau milieu en même temps qu’elles doivent faire le deuil de leur vie d’avant. Dans ce contexte, la stabilité du couple et la cohésion de la famille sont très importantes.
«Dans le pays d’origine, le réseau familial peut facilement donner un coup de main, par exemple en gardant un enfant qui est malade. Mais lorsqu’on immigre, on se retrouve seul avec son conjoint, alors il faut se restructurer et clarifier les rôles et responsabilités de chacun», explique la professeure-chercheuse qui a trois filles âgées de 12, 17 et 20 ans.
Souvent, les immigrants récents travaillent, étudient et s’occupent de leurs enfants en même temps. La dynamique familiale doit ainsi trouver un équilibre entre règles et souplesse. «C’est très important d’en parler avec les enfants qui ont aussi besoin d’encadrement dans ce processus d’adaptation, ajoute Carol Castro. Il y a plusieurs défis à relever, mais après quelques mois, on voit des progrès. Par exemple, les enfants commencent à s’orienter dans leur quartier d’adoption et à apprendre le français. Même s’il faut souvent recommencer des études – ce qui fut mon cas – on sait qu’on aura un emploi par la suite, qu’on sera reconnu dans son milieu. On est tourné vers l’avenir.»
La chercheuse note que la religion joue aussi un rôle très important chez les familles immigrantes. «Elles ont la foi et cela leur amène beaucoup de réconfort.»
Les ressources économiques et sociales
Carol Castro remarque que la plupart des immigrants arrivent en région éloignée avec un revenu stable et adéquat, ce qui facilite leur intégration. La capacité à s’ouvrir aux autres est aussi capitale. «Il faut aller chercher du soutien social et se donner de l‘espace pour s’impliquer dans sa communauté, par exemple en faisant du bénévolat, indique-t-elle. Il faut se construire un réseau et se faire de bons amis, qui deviennent en fait une deuxième famille. En cas de problème, ce sont eux qui aident.»
Elle a aussi découvert que la décision de ces familles immigrantes de s’installer en région plutôt que dans un « ghetto » est bénéfique. « S’ouvrir aux gens de la région, explique-t-elle, permet aux familles immigrantes de se protéger de sources de stress liées à l’expérience de l’immigration et aussi, de découvrir de nouvelles cultures. Ce sont de relations très riches.»
Cet article a été réalisé en partenariat avec l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue.