Image: Dennis Jarvis/Wikimedia Commons
Des experts tentent de trouver l’origine d’une maladie neurologique détectée chez une cinquantaine de personnes.
Démence progressive, difficulté à marcher et à parler, vision floue, problèmes de mémoire, insomnie sévère, hallucinations, atrophie du cerveau… Ce sont là les symptômes inquiétants d’une maladie mystérieuse détectée dans la province du Nouveau-Brunswick. Jusqu’à maintenant, on compte 48 cas sous investigation et 6 décès officiellement attribuables à ce trouble (données datant du 29 avril). La maladie frappe autant les hommes que les femmes et peut survenir à tout âge (18 à 85 ans). On ignore encore si elle est contagieuse.
Le premier cas aurait été rapporté en 2015. Pour beaucoup de patients, les premiers symptômes sont apparus il y a environ 3 ans, soit en 2018, mais ce n’est qu’au début de 2020 que les médecins ont sonné l’alarme, face à la multiplication des cas. C’est le Dr Alier Marrero, du Centre hospitalier universitaire Dr-Georges-L.-Dumont à Moncton, qui a établi le lien entre toutes les personnes touchées. Il a le mandat d’éclaircir l’origine de cette maladie et dirige une équipe composée de spécialistes en maladies infectieuses et en épidémiologie.
Maladie à prions?
Les symptômes neurologiques détectés chez les malades font penser à ceux observés en cas de maladies à prions, notamment la maladie Creutzfeldt-Jakob.
C’est donc la première piste qui a été explorée. Le Dr Neil Cashman, scientifique-clinicien à l’Université de la Colombie-Britannique (UBC), expert des maladies à prions et des maladies neurodégénératives, a été contacté pour se pencher sur ces cas qui touchent plus particulièrement la région nord-est et les environs de Moncton. «On a cherché si cela pouvait être une cause héréditaire, mais en effectuant des analyses génétiques, cela ne semble pas être le cas», conclut le chercheur de l’UBC.
Bien que les probabilités soient très minces, on pourrait être face à une nouvelle maladie à prions. «Il pourrait s’agir d’une nouvelle transmission de prions d’une espèce animale à l’humain. Elle pourrait se manifester différemment des autres maladies neurodégénératives», explique l’expert. Les prions sont des protéines repliées de façon anormale, qui deviennent pathogènes et peuvent se «propager» comme des agents contagieux.
Bien que la piste n’ait pas été totalement écartée, le Dr Cashman estime l’hypothèse peu probable. «Les cas sont trop fréquents et trop groupés géographiquement. Quand on a procédé à des autopsies du cerveau, il n’y avait aucun signe pouvant suggérer que ce soit une maladie à prions telle que Creutzfeldt-Jakob.» Il indique par contre que le diagnostic des maladies à prions est difficile à établir.
Une cause environnementale?
La piste la plus probable suivie par les experts du Nouveau-Brunswick est celle d’origine environnementale, c’est-à-dire l’exposition chronique à un facteur toxique présent dans la région.
Le Dr Neil Cashman raconte qu’à la fin des années 1980, il y avait eu une 153 intoxications, dont 3 décès, à l’Île-du-Prince-Édouard. Après investigation, on s’était rendu compte que les intoxications survenaient après la consommation de moules bleues. Une neurotoxine, appelée acide domoïque, était présente chez ces moules. Elle cause des symptômes similaires à une gastro-entérite comme des vomissements et de la diarrhée. Cependant, dans les cas plus graves, elle peut entraîner une désorientation, des pertes de mémoire voire le décès.
L’équipe est donc à la recherche d’une «éco-toxine» pouvant entraîner de tels symptômes. L’une d’elle, la BMAA (béta-méthylamino-L-alanine), produite par des cyanobactéries, a déjà été associée à des symptômes neurologiques.
«Aucune piste n’est exclue pour le moment. Nous examinons toutes les possibilités, notamment d’autres types d’infections et des toxines environnementales», conclut le Dr Cashman.