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Des conditions hivernales clémentes favorisent la prolifération des tiques porteuses de la maladie et l’accroissement de leur aire de reproduction en Amérique du Nord.
L’hiver venu, les tiques ne vont pas se cacher pour mourir. Si les températures sont clémentes, elles peuvent même continuer à s’activer selon Laura Ferguson, éco-immunologiste spécialiste des insectes à l’Université Acadia, en Nouvelle-Écosse, qui vient de présenter ses travaux sur le sujet dans un symposium.
« On pensait être à l’abri des tiques et de leurs pathogènes à cause de l’hiver, mais on s’est rendu compte que ce n’est plus le cas », indique Laura Ferguson, qui a mené ce projet dans le cadre de son postdoctorat à l’Université Dalhousie, à Halifax. « Nos hivers plus doux favorisent la propagation de ces tiques et leur capacité de survie », ajoute-t-elle.
La maladie de Lyme est une infection bactérienne causée par Borrelia burgdorferi. Cette bactérie se transmet par la piqûre de la tique Ixodes scapularis, qui est la principale porteuse de la bactérie en Amérique du Nord.
Pour vérifier la capacité des tiques à survivre au froid, au cours de trois hivers consécutifs, Laura Ferguson et ses collègues, la chercheuse principale Shelley Adamo et l’étudiante au doctorat Amal El Nabbout, ont récolté des centaines de tiques (toutes des femelles adultes) à l’automne. Celles-ci ont ensuite été placées dans des flacons à l’extérieur pendant la saison froide. Au printemps, les chercheuses ont compté les tiques ayant survécu et ont vérifié la présence ou non de la bactérie responsable de la maladie de Lyme.
Les chercheuses de l’Université Dalhousie ont ainsi observé que les tiques contaminées par la bactérie présentaient un meilleur taux de survie au froid que celles qui n’étaient pas infectées. « C’est une préoccupation pour la santé publique, car potentiellement, au printemps, la population de tiques infectées pourrait être plus élevée », explique Laura Ferguson. « Cela signifie que vous avez plus de chances de rencontrer une tique infectée pendant les périodes chaudes de l’hiver, lorsqu’elle devient active, ou au printemps, lorsque le nombre de tiques commence à augmenter », ajoute-t-elle. Ces résultats seront publiés dans une revue savante au cours des prochains mois.
Ce que les chercheuses ont observé en Nouvelle-Écosse pourrait potentiellement s’appliquer au Québec aussi, selon Laura Ferguson. La survie des tiques pendant la saison froide ne surprend pas Ariane Dumas, doctorante en épidémiologie à la faculté de médecine vétérinaire de l’Université de Montréal, qui remarque ce phénomène depuis plusieurs années au Québec. Elle remarque aussi que les hivers plus doux, causés par les changements climatiques, favorisent la population de tiques. « Plusieurs études montrent que les changements climatiques sont en partie responsables de l’expansion des tiques vers le nord, mais ce n’est pas le seul facteur », souligne-t-elle. Parmi les autres facteurs, elle indique que les hôtes qui transportent la tique, comme les cerfs de Virginie et les souris à pattes blanches, sont en surabondance dans plusieurs régions du Québec.
La Montérégie, l’Estrie et l’Outaouais sont parmi les régions les plus touchées par la présence de tiques. « On commence cependant à trouver des tiques vers Québec, les Laurentides, Lanaudière et la Mauricie. On a également eu des cas rapportés au Saguenay – Lac-Saint-Jean », énumère-t-elle.
Ariane Dumas précise qu’heureusement, il y a une limite à l’expansion des tiques vers le nord. « Pour survivre à la période froide de l’hiver, elles ont besoin de se réfugier sous une couche de feuilles mortes sous la neige. » Ces petits acariens vont souvent se retrouver dans les forêts de feuillus ou encore, dans les forêts mixtes. On les rencontre donc moins dans les forêts de conifères.
Quelles sont nos armes contre les tiques?
Il n’existe pas de solution miracle pour limiter l’étendue du territoire des tiques. Cependant, certains aménagements sont possibles pour défavoriser leur implantation. « On peut tenter de créer une bordure entre la maison et la forêt ou de clôturer sa cour pour limiter le passage des animaux près des habitats. On suggère aussi de couper régulièrement la pelouse, d’enlever les feuilles mortes et de placer des copeaux de bois pour que ce soit moins propice à la survie des tiques », conseille Ariane Dumas.
D’autres avenues sont testées à petite échelle, comme ce projet pilote dans la région de Bromont où les souris sont traitées contre les acariens. « Plusieurs études examinent le traitement des cerfs et des souris contre les tiques avec un médicament antiacarien. L’animal ne retransmet pas la tique à un autre hôte, car celle-ci meurt. Cela brise le cycle de transmission » mentionne Ariane Dumas, qui croit que la prévention et l’éducation des citoyens sont très importantes pour se protéger des tiques.
Dans une étude en prépublication, Laura Ferguson explique que son équipe travaille sur le potentiel des aiguilles et de l’huile essentielle du sapin baumier pour tuer les tiques en hiver et étudie aussi plus attentivement les différents effets de la température hivernale. « Dans l’environnement contrôlé du laboratoire, on veut tester différents scénarios : un hiver avec des températures très variables, stables, un hiver chaud ou encore très froid. Nous cherchons à déterminer combien de fois les tiques deviennent actives pendant l’hiver et dans quelle proportion », conclut-elle.