Photo: Caleb Woods/Unsplash
La pandémie a exacerbé la détresse psychologique chez les enfants déjà fragiles, confirme une équipe québécoise, qui propose quelques clés pour les aider.
Des chercheuses en psychologie de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) et de l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal ont voulu mieux comprendre les facteurs qui prédisposent les jeunes à ressentir de la détresse face à la situation pandémique. Elles ont suivi pendant plusieurs mois 84 enfants âgés de 9 à 14 ans, qu’elles connaissaient déjà car ils avaient participé par le passé à d’autres projets de recherche sur le stress.
Cela leur a permis de comparer les données avant et pendant la pandémie. Avec l’aide de leurs parents, les jeunes devaient répondre à des questionnaires à différents moments pendant la pandémie (juin, septembre et décembre 2020 ainsi qu’en mars 2021) pour évaluer leur santé émotionnelle. Les questions ressemblaient à : comment te sens-tu? Es-tu anxieux en ce moment? Ton cœur bat-il plus rapidement que d’habitude? À noter que tous les jeunes étaient en santé et qu’aucun d’entre eux ne prenait de médicaments pour traiter un trouble de santé mentale.
« D’un point de vue évolutif, il est normal de réagir à une nouvelle situation comme la COVID en étant plus anxieux. Cependant, ce qui l’est moins, c’est de garder cette détresse-là sur une très longue période », précise Catherine Raymond, chercheuse postdoctorale à l’UQAM et auteure de l’étude longitudinale, dont les résultats ont été publiés dans European Journal of Psychotraumatology.
La détresse psychologique peut augmenter si l’enfant possède certains traits de personnalité. Par exemple, si celui-ci a tendance à manifester de l’anxiété, à appréhender les symptômes reliés au stress, à ruminer les situations négatives et à être intolérant face à l’incertitude. Les chercheuses ont donc évalué la présence de ces traits chez les participants pour en arriver à un score, qui représente un index de vulnérabilité à la psychopathologie. « On a ainsi démontré que plus un jeune présentait une vulnérabilité élevée avant la pandémie, plus il avait de risques de réagir à la pandémie et d’être en détresse », indique Catherine Raymond. Autrement dit, ceux qui présentaient déjà une certaine fragilité avant la pandémie étaient plus à risque de développer un trouble de santé mentale.
Les chercheuses ont également remarqué que les adolescents, en particulier les jeunes filles, étaient beaucoup plus vulnérables que le groupe de 9 à 11 ans. « Les adolescentes sont plus à risque de souffrir d’anxiété, souligne Catherine Raymond. Elles ont besoin d’être proches de leurs pairs et ont donc souffert de l’isolement imposé. »
La chercheuse de l’UQAM avance que la situation pandémique, combinée avec la puberté et la prise d’hormones synthétiques chez certaines jeunes filles, aurait pu avoir une influence sur la régulation des émotions et le risque de développer des troubles anxieux. « C’est un aspect qu’on n’a cependant pas étudié dans le cadre de cette étude », signale-t-elle.
La résilience des jeunes
Sans vouloir minimiser l’ampleur de la détresse ressentie par les jeunes, la chercheuse souligne aussi qu’à l’autre bout du spectre, la santé mentale de certains se porte bien, même mieux. « Notre étude démontre que ce ne sont pas tous les jeunes qui vont mal. Nous ne sommes pas les seuls à remarquer cela. D’autres études observent qu’environ 30% des jeunes rapportent une amélioration de leur santé mentale : réduction de l’impulsivité, augmentation de l’humeur positive, amélioration des capacités d’organisation et diminution de l’anxiété », énumère-t-elle. Selon elle, plusieurs explications sont possibles, mais le fait qu’un enfant puisse passer plus de temps avec ses parents peut peser dans la balance.
Quelques pistes pour aider votre enfant
Stress ou détresse?
Tentez d’abord de déterminer le niveau de stress et d’anxiété de votre enfant. « Le stress vécu par l’enfant est-il normal ou hors norme? » demande Catherine Raymond. Par exemple, il est normal que l’enfant ressente du stress avant un examen, mais il est anormal d’être constamment sous son emprise.
Favoriser le dialogue
Catherine Raymond insiste sur l’importance de favoriser le dialogue avec son enfant en lui faisant part de ses propres inquiétudes en tant que parent et le questionner. Par exemple : accepterais-tu mon aide? Aimerais-tu qu’on aille chercher des ressources? Voudrais-tu en parler à quelqu’un? « Il faut éviter de tendre une liste de ressources à notre enfant ou de lui donner un livre sur l’anxiété sans l’accompagner. »
La chercheuse suggère aussi d’utiliser une roue des émotions pour aider l’enfant ou l’adolescent à s’exprimer et à décortiquer ses émotions.
Consulter un expert
Si l’enfant refuse d’aller à l’école, ne voit plus ses amis, reste toujours en pyjama enfermé dans sa chambre, il est temps d’aller consulter un expert. « Si l’on sent qu’en tant que parent, on ne possède pas les compétences pour l’accompagner, il faut vraiment aller chercher de l’aide. Cela peut consister à appeler le CLSC, consulter un psychoéducateur ou un travailleur social », conseille-t-elle.
Liens vers des ressources
Centre d’études sur le stress humain
Mon stress et moi – pour les jeunes de 13 ans et plus
Mon stress et moi – pour les jeunes du primaire
Tel-Jeunes
LigneParents