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17 février 2022
Temps de lecture : 2 minutes

Apprendre des écureuils pour préserver les muscles des astronautes

Image: Wikimedia Commons

Ces petits rongeurs ne perdent pas leur masse musculaire après avoir hiberné. Des chercheurs viennent de percer leur secret.

Contrairement aux écureuils gris qui restent actifs tout l’hiver, les écureuils qui intéressent le biologiste Matthew Regan sont très tranquilles : ils hibernent pendant près de 6 mois. Bien connus des scientifiques, les écureuils, des spermophiles rayés (Ictidomys tridecemlineatus), servent de modèles en laboratoire pour étudier différents aspects de l’hibernation. « Cet animal a une capacité exceptionnelle à réduire son métabolisme d’une manière très régulée et totalement réversible », indique le biologiste.

Dans la revue Science, Matthew Regan et son équipe de l’Université du Wisconsin à Madison ont publié fin janvier une étude dans laquelle ils exposent pour la première fois les réactions métaboliques qui permettent à ces écureuils de conserver leur masse musculaire malgré un jeûne prolongé. Leur secret ? De précieuses bactéries intestinales.

« Ils possèdent une astuce métabolique : les bactéries présentes dans leurs intestins leur fournissent des nutriments », explique le chercheur, qui travaille maintenant à l’Université de Montréal. Selon les résultats de cette expérience, les bactéries (du genre Alistipes) peuvent extraire des nutriments à partir de l’urée, le composé principal de l’urine. Habituellement un déchet, l’urée est dans ce cas-ci « recyclée ».

« Au lieu d’uriner, l’organisme de l’écureuil déplace une grande partie de l’urée vers les intestins où certains groupes de bactéries la séparent en différents composés ». L’un de ces composés, l’azote, servira entre autres à fabriquer des protéines et ultimement, à empêcher la perte musculaire.

Des bactéries fort utiles pour les écureuils

On suspectait que cette réaction métabolique, la récupération de l’azote à partir de l’urée, avait lieu chez les animaux qui hibernent, mais cette théorie datant des années 80 n’avait pas encore été validée.

« Les techniques n’étaient auparavant pas disponibles pour le vérifier. Notre étude est donc la première à démontrer l’existence de ce procédé », confirme le chercheur. L’équipe a ainsi injecté à 47 écureuils de l’urée marquée par des traceurs isotopiques (isotopes carbone 13 et azote 15). Les chercheurs pouvaient suivre le trajet de ces isotopes dans l’organisme des animaux par spectroscopie RMN.

« Cela nous a permis de vérifier que l’azote détecté dans les protéines des muscles provenait de l’urée. La seule façon pour que l’azote soit libéré de la molécule d’urée est de faire intervenir les bactéries intestinales. Les écureuils eux-mêmes ne peuvent pas la décomposer. »

Pour s’assurer de leurs résultats, les chercheurs ont aussi administré à un groupe d’écureuils des antibiotiques pour appauvrir volontairement leur flore intestinale. Ces derniers sont entrés en hibernation comme les autres, mais ils n’ont cependant pas récupéré l’azote uréique.

Vers de plus longs séjours spatiaux?

Chez l’humain, une longue période d’inactivité provoque la perte musculaire. Par exemple, chez les patients qui effectuent un séjour prolongé à l’hôpital ou à l’extrême, chez les astronautes qui voyagent dans l’espace et qui perdent leur masse musculaire en microgravité.

Signe que la recherche réalisée par Matthew Regan a le potentiel d’aider les astronautes, il continuera de s’y consacrer grâce à un financement de l’Agence spatiale canadienne. Il se penchera notamment sur les protéines spécifiques synthétisées à partir de l’azote uréique chez les écureuils. « Nous savons que les vols spatiaux réduisent la synthèse de nouvelles protéines dans les muscles. Avec mon équipe de l’Université de Montréal, nous allons comparer les protéines produites avec l’azote uréique et vérifier si certaines de ces protéines sont aussi perdues pendant les vols spatiaux ». En comprenant mieux le système d’hibernation des écureuils, il sera peut-être possible de s’en inspirer pour préserver la masse musculaire des humains, ici sur Terre, ou encore dans l’espace.

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