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25 août 2022
Temps de lecture : 3 minutes

Bienvenue aux étudiants de première génération

Image: Tim Gouw, Unsplash

Les étudiantes et étudiants universitaires dits «de première génération» parcourent un chemin qui n’est pas toujours reposant.

Deux personnes se présentent en même temps au quai surplombant un magnifique récif de corail. Pour l’explorer à sa guise, chacune loue un équipement complet. La première a grandi dans une famille de plongeurs, l’autre n’a vu de bouteilles d’air comprimé que dans les films. Selon vous, qui a le plus de chances de se sentir comme un poisson dans l’eau ? De se rendre le plus loin ?

La réponse est évidente. Ce qui est moins connu, c’est que cette métaphore vaut aussi pour le milieu de la recherche.

À chaque rentrée scolaire, des étudiantes et étudiants dits « de première génération » commencent leur parcours aux études supérieures. Leurs parents n’ont été ni au cégep ni à l’université, mais qu’importe : ces jeunes font leur propre chemin !

Un chemin qui ne sera pas toujours de tout repos.

Car être une recrue de première génération, c’est souvent éprouver à la fois de la fierté et de la honte. C’est être fier de la route parcourue et honteux de ne pas avoir un bagage semblable au reste de la classe. Des travaux québécois datant de 2012 parlent même d’un « choc culturel », un peu comme celui qu’on peut vivre lors d’un voyage dans un pays très différent du sien. « J’ai du mal à entrer en relation avec les autres. On me dit que les autres me perçoivent comme quelqu’un de bizarre. Je détonne », a confié l’une d’elles à l’occasion d’un sondage mené par l’Université McGill il y a quelques années.

Tout un village

Ce sentiment explique peut-être que ces individus se tournent moins facilement vers leurs professeurs et leurs pairs pour surmonter les défis scolaires, a mis en lumière une revue de la littérature parue en 2020 dans le journal scientifique Review of Educational Research. Ils vont plutôt tenter de résoudre leurs difficultés de façon indépendante, avec l’aide d’Internet. Ils se sentent les seuls responsables de leurs apprentissages, alors qu’il faut tout un village pour obtenir un diplôme d’études collégiales, un baccalauréat, une maîtrise, un doctorat.

Être étudiant ou étudiante de première génération, c’est également se sentir tout à la fois capable et coupable. « Capable », car ils n’ont pas volé leur place, « coupable » parce qu’ils ne peuvent contribuer au revenu de la famille pendant leur formation ou parce que leur parcours paraît étrange aux yeux de leurs parents.

Cela ne signifie pas que ces parents découragent leurs rejetons dans leurs études, attention ! Une autre enquête, réalisée dans des facultés américaines de génie et publiée il y a deux ans dans l’International Journal of STEM Education, a montré que la population étudiante dans son ensemble mentionne l’importance du soutien familial. C’est le soutien procuré qui varie : les premières générations bénéficient d’un soutien affectif lors de leur choix de programme, puis d’encouragements pendant les semestres. Leurs collègues dont les parents avaient fait des études supérieures ont reçu plus d’informations relatives à leur domaine d’études pour effectuer leur choix de programme, en plus du soutien affectif pendant les études.

Sur Twitter, on célèbre désormais cette identité de première génération par le mot-clic #firstgen. Des étudiants et étudiantes, des personnes nouvellement diplômées, des membres du corps professoral partagent leurs bons coups, encouragent leurs semblables et revendiquent leur différence. Tant mieux ! Le meilleur antidote à la honte est la solidarité.

Des ressources

La recherche en éducation commence d’ailleurs à renverser son approche. Si l’on présentait traditionnellement les premières générations comme ayant un déficit à combler, on tente désormais de voir ce qu’elles apportent au monde de l’éducation et de la recherche ou de déterminer comment le milieu universitaire peut s’adapter à ces personnes plutôt que l’inverse. Enfin !

Des ressources existent pour les premières générations dans certains établissements. À l’Université de Montréal, la Bourse d’accessibilité Daniel Jutras, d’une valeur de 3 000 $, leur est réservée, tandis que le groupe de soutien 1st Up met des pairs en relation à l’Université McGill. Encore faut-il que l’information leur parvienne.

Mon souhait est que tous ceux et celles à qui leurs parents ont passé le flambeau soient attentifs aux besoins des nouvelles et nouveaux venus en cette rentrée scolaire 2022. Tendez-leur la main sans attendre. Ils sont nombreux. En 2017, ils comptaient pour 59 % de l’effectif étudiant dans le réseau de l’Université du Québec (UQ), contre 41 % dans les autres établissements francophones et 34 % chez les anglophones. Plus on avance dans les études supérieures, moins ils sont nombreux, montre un rapport de 2019 de l’UQ, signe que la recherche apparaît encore comme une chasse gardée ou, à tout le moins, comme un espace nébuleux.

Alors que certaines tranches de la population perdent confiance en la science, peut-on se passer de futurs et futures scientifiques qui ont des réseaux différents, des perspectives complémentaires ?

Je suis moi-même une #firstgen. Si le baccalauréat m’avait permis de découvrir le monde de la recherche, qui m’était inconnu, qui sait, peut-être aurais-je fait grimper les statistiques des professeures et autres chercheuses #firstgen ? J’aurais probablement aimé la plongée…

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Caroline
2 années il y a

Je découvre cet article seulement maintenant, mais encore très pertinent… merci beaucoup. D’une chercheuse de 1ere génération.

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