Des personnes âgées aux prises avec des problèmes de santé mentale peuvent suivre une formation pour devenir des ambassadrices de leur propre cause et améliorer le bien-être de leurs pairs.
Monter sur une scène lors d’un congrès scientifique ou d’une conférence grand public… Vous auriez le trac ? Imaginez si, en plus, vous étiez une personne âgée et que vous y montiez pour parler de votre trouble anxieux ou de votre trouble de l’humeur !
Une douzaine de personnes de 55 ans et plus relèvent ce genre de défi depuis deux ans. Elles ont été formées par le collectif de défense des droits en santé mentale Action Autonomie à l’aide d’un manuel publié en 2021 dans le cadre d’une recherche-action participative, codirigée par le sociologue et professeur retraité de l’Université TELUQ Jean Gagné. « Nous voulions partager le savoir de ces aînés afin d’améliorer leur expérience dans le système de santé, en psychiatrie et dans les services de santé mentale », explique-t-il.
De quelle expérience s’agit-il au juste ? Lorsqu’elles franchissent les portes d’un hôpital, ces personnes vivent une double stigmatisation : l’âgisme et le sanisme (un mot qui réfère à la discrimination envers les personnes étiquetées comme « malades mentales »). Cela sape leur estime d’elles-mêmes et peut aussi influencer le travail des professionnels de la santé. « Le problème de santé mentale va souvent fausser le diagnostic du médecin, raconte Jean Gagné. On va vite diriger la personne en psychiatrie au lieu de répondre à son besoin médical. » Un phénomène appelé « masquage diagnostique » qui serait courant, selon les nombreux témoignages recueillis par le chercheur. « Je suis rendue que j’ai peur, parce que quand tu as de la douleur quelque part, ils ne te croient pas », a confié une personne âgée dans le cadre de la recherche-action, qui brosse un portrait global de la situation. La liste des préjugés, et de leurs conséquences, est longue.
Une source de valorisation
C’est donc pour changer la donne que des personnes âgées témoignent devant des pairs, des étudiants et des intervenants en santé mentale. « Ce n’est pas évident parce que ce ne sont pas des universitaires, raconte le chargé des communications chez Action Autonomie, Jean-François Plouffe. Mais lorsqu’ils réussissent à assimiler la matière du manuel de formation, c’est très valorisant. »
Ralentie par la pandémie de COVID-19, l’initiative a permis jusqu’ici de sensibiliser 200 personnes. C’est trop peu, bien sûr. « On s’adresse à qui veut bien nous écouter. Ce n’est pas un sujet très vendeur », se désole Jean-François Plouffe.
« Nous aimerions rencontrer aussi les travailleurs de la santé dans les hôpitaux, plaide Jean Gagné. Pour bien soigner ses patients, il faut les croire et être solidaires avec eux. »
C’est d’autant plus important que les personnes âgées seront encore plus nombreuses dans les prochaines années au Québec : en 2030, le quart de la population aura plus de 65 ans, selon les prévisions de l’Institut national de santé publique du Québec.
Illustration: Sophie Benmouyal