Trop souvent, l’activité physique est définie comme la pratique d’un sport. Pourtant, le simple fait de bouger apporte déjà de grands bénéfices, y compris pour notre santé mentale.
«Vous ne me ferez jamais entrer dans un gym, jamais ! » affirme Paquito Bernard sur un ton ferme, même s’il n’a guère le profil de l’irréductible sédentaire. Ce professeur au Département des sciences de l’activité physique de l’Université du Québec à Montréal demeure en effet convaincu que le simple fait de bouger, sans pour autant aller suer dans une salle de sport, représente un puissant facteur de protection, et pas seulement contre l’obésité ou les maladies cardiaques.

Paquito Bernard, professeur au Département des sciences de l’activité physique de l’Université du Québec à Montréal. Photo: Université du Québec à Montréal
Celui qui fut d’abord kinésiologue a travaillé quelques années dans une clinique de réadaptation en psychiatrie, où il développait des activités pour les patients. La première d’une longue série d’expériences qui lui ont prouvé que l’on insiste beaucoup (trop) sur l’importance de faire du sport, et pas suffisamment sur celle d’être actif. Surtout lorsqu’il s’agit de chasser, ou d’atténuer, la dépression ou l’anxiété.
« Le sport, ce n’est qu’une toute petite partie de l’activité physique, précise celui qui est également chercheur au Centre de recherche de l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal. Et ça ne concerne qu’un certain nombre de personnes ayant un réel intérêt. On délaisse beaucoup de gens qui n’aiment pas le sport ou qui ont beaucoup d’appréhensions, notamment face aux sports collectifs. »
Paquito Bernard pose d’ailleurs un regard critique sur les campagnes de promotion mettant en vedette des athlètes ou d’anciens athlètes : « C’est totalement contre-productif, car un des principes pour mousser l’activité physique, c’est de voir des gens qui vous ressemblent : vous adhérez plus facilement au message. » Et comment accorder de la crédibilité à une vedette du sport qui vantait, dix ans auparavant, une célèbre chaîne de restauration rapide ?
This Girl Can, une initiative du Royaume-Uni qui présente des filles et des femmes « ordinaires » qui bougent dans toutes sortes de contextes, à la maison comme au parc ou dans une arène de roller derby, constitue pour lui l’image même d’un outil efficace. « C’est un exemple d’utilisation des données probantes dans la promotion d’activités physiques. »
Les effets de l’activité physique ne sont plus à démontrer : elle augmente les niveaux de sérotonine et de dopamine, deux neurotransmetteurs favorisant le bien-être et l’estime de soi, des ingrédients particulièrement essentiels lorsque l’on traverse des périodes plus sombres.
Mais le lycra n’est pas obligatoire ; ces molécules bienfaisantes ne sont pas uniquement produites lors d’un entraînement intensif. Marcher est un médicament facilement accessible, selon Paquito Bernard, tout comme jardiner, ramasser des feuilles, pelleter de la neige, sortir les poubelles ou faire le ménage. S’y adonner sur une base quotidienne procure des bienfaits à tous, et plus encore aux gens souffrant de troubles dépressifs, qui ont en général un niveau d’activité physique plus faible que celui de la population générale. L’activité physique peut être accompagnée d’une psychothérapie et d’un antidépresseur dans le cas de dépression majeure.
Certains psychiatres que croise le professeur Bernard l’écoutent parfois d’une oreille distraite, jugeant son regard professionnel biaisé. Pourtant, de nombreux essais cliniques ont documenté les fruits d’une vie active – et sous toutes ses formes. « Les rares soignants qui font la promotion de l’activité physique dans leur pratique sont ceux qui bougent eux-mêmes », constate celui qui rêve que chaque CLSC puisse compter sur la présence d’un kinésiologue pour prescrire au plus grand nombre ce remède efficace, peu coûteux et à la portée de tous.
Illustration: Sophie Benmouyal