À peine arrivent-ils sur les bancs d’école que les tout-petits jouent leur avenir. Des chercheuses s’intéressent à ce moment qui marque un tournant.
Les activités éducatives vécues entre 0 et 5 ans exercent une influence majeure sur le devenir de l’enfant. C’est pourquoi le gouvernement du Québec a déployé la maternelle 4 ans à temps plein en milieu défavorisé dès 2013, avant de commencer à élargir l’offre partout dans la province en 2020. Le but : augmenter le taux de diplomation et améliorer la réussite scolaire.
Or, les enseignantes et enseignants catapultés à la tête de ces classes sont souvent mal outillés. « Ces nouveaux postes sont en grande partie occupés par des personnes qui disposent de moins d’expérience, explique Maude Roy-Vallières, professeure au Département des sciences de l’éducation de l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC), qui a consacré une thèse à la qualité éducative dans les milieux préscolaires. Qui plus est, le programme d’éducation préscolaire 4 ans officialisé en 2017 n’a été rattaché à celui de la maternelle 5 ans qu’en 2021. »
La chercheuse a elle-même enseigné en maternelle 4 ans avant son doctorat. Sa comparaison des maternelles 4 ans avec les centres de la petite enfance (CPE), dont les effets positifs sur les bouts de chou sont avérés dans la littérature scientifique, prend donc ses racines dans des questionnements personnels.
Le verdict est implacable : la qualité éducative en maternelle 4 ans ressemble beaucoup à celle qu’on trouve en CPE. « La qualité des interactions entre personnes enseignantes et élèves est assez semblable. Cette dernière est peu influencée par les différences d’ordre structurelles [ratio adulte-enfants, par exemple] », analyse Maude Roy-Vallières. Les parents peuvent donc envoyer leur progéniture dans l’un ou l’autre sans craindre pour son développement.
Pensée algébrique
Preuve que la petite enfance est un moment charnière, la réussite en mathématiques pourrait s’y jouer. C’est du moins ce que soupçonne Nathalie Anwandter Cuellar, professeure au Département des sciences de l’éducation de l’Université du Québec en Outaouais (UQO). « Entre le primaire et le secondaire, plusieurs jeunes peinent à passer de l’arithmétique à l’algèbre, souligne-t-elle. Des blocages se manifestent même dès l’âge de 8 ans. »
C’est comme si la pensée des préadolescents et préadolescentes n’était formatée que pour les opérations élémentaires – additions, soustractions, etc. « Ils ont de la difficulté à comprendre que 1 + 5 est équivalent à 3 + 3 », illustre la didacticienne des mathématiques. Pourtant, ils en sont capables. « Des recherches antérieures démontrent qu’ils sont en mesure de travailler avec le concept d’équivalence mathématique, qui est un type de raisonnement associé à la pensée algébrique. »
Avec des collègues de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), elle et son équipe ont entrepris de faire émerger ce potentiel. Pour ce faire, ils mettent à l’épreuve des apprentissages ludiques axés sur les relations mathématiques auprès de volontaires de 5 ans de l’Outaouais. Les premiers résultats de l’étude, toujours en cours, sont encourageants. « L’analyse des gestes, des discours et des interactions dans ce contexte révèle que certains enfants vont beaucoup plus loin que ce que l’on aurait cru », constate-t-elle.
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