Apprendre aux enfants à manipuler de nouveaux mots en s’appuyant sur des albums sans texte ? C’est une stratégie à l’étude dans le cadre d’un projet de recherche de terrain.
Avez-vous déjà eu l’occasion de feuilleter un album jeunesse… sans texte ? Les histoires défilent le long des pages illustrées, qu’il s’agisse de planches entières ou de cases comme une bande dessinée, laissant libre cours à l’imagination. C’est un album assez classique finalement, à ce détail près qu’il n’inclut pas un seul mot. Une aubaine pour les parents qui souhaitent finir rapidement une énième histoire avant le coucher !

Pascale Thériault, professeure au Département des sciences de l’éducation de l’Université du Québec à Chicoutimi
Mais ces albums pourraient aussi servir en classe pour enrichir le lexique des élèves. « Dit comme ça, cela peut sembler un peu paradoxal », reconnaît Pascale Thériault, professeure au Département des sciences de l’éducation de l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC). Et pourtant, c’est précisément ce sur quoi porte le projet de recherche sur lequel elle travaille depuis maintenant trois ans avec quatre enseignantes au premier cycle du primaire du Centre de services scolaire De La Jonquière.
Tout est parti d’un constat simple : à l’école, « le vocabulaire est généralement enseigné de façon spontanée, en cours de lecture. Il est très peu planifié dans le travail de l’enseignant », explique la chercheuse. Mais il ne suffit pas de voir une fois le mot « arrosoir » et d’apprendre qu’il s’écrit avec deux R et un S pour savoir l’employer à bon escient. « Pour que les enfants s’approprient un nouveau mot, qu’il fasse partie de leur bagage lexical, ils doivent le manipuler plusieurs fois, dans différents contextes », ajoute-t-elle.
Pascale Thériault a proposé aux enseignantes partenaires d’utiliser ces albums en mettant l’accent sur de nouveaux mots qu’elles souhaitaient faire découvrir aux élèves. « On peut travailler le vocabulaire à partir du récit, mais aussi à partir des personnages ou des lieux », illustre la chercheuse. Qu’il s’agisse de la crinière ébouriffée d’un lion ou d’expressions telles que comme à l’habitude, les mots pouvaient être affichés au tableau avant même le début de la lecture de l’album, pour piquer la curiosité des enfants.
Les enseignantes ont remarqué que les élèves prenaient plaisir à réutiliser ces nouveaux mots dans différents contextes à l’oral, mais qu’ils avaient encore de la difficulté à les employer à l’écrit. L’étape suivante du projet trouvera d’autres façons de jouer avec le nouveau vocabulaire, en écrivant l’histoire de l’album sans texte, par exemple.
L’objectif est de mettre sur pied un document relatant comment les enseignantes, que Pascale Thériault aura suivies sur une durée totale de cinq ans, utilisent ces albums sans texte, pour le mettre à la disposition de tout le corps enseignant. Elle est même convaincue que ce genre d’album pourrait s’employer chez les élèves plus âgés du primaire. « Une fois qu’on a compris comment utiliser ces albums, c’est facile de s’adapter en fonction du contenu », soutient-elle. Bref, en matière d’enrichissement du vocabulaire à l’école, ces albums sans texte sont loin d’avoir dit leur dernier mot !
Illustration : pages extraites du livre Je marche avec Vanessa, de Kerascoët. Illustration: Kerascoët/La Pastèque