L’orthopédagogie hors des murs de l’école ? Pour les enfants en difficultés d’apprentissage, c’est une véritable bouffée d’air frais !
Dans les années 1950, une mère de famille danoise, Ella Flatau, entreprit de sortir en forêt avec des groupes d’enfants pour de longues marches. Son initiative fit l’effet d’une petite révolution, jetant les bases de la maternelle en plein air. Depuis cette époque, l’ambition de « sortir l’école de l’école » n’a jamais disparu du paysage malgré les nombreuses contraintes. Et si à quelque chose malheur est bon, la pandémie de COVID-19 aura permis de redécouvrir ses vertus, en plus de réduire la menace du virus.

Élisabeth Boily, professeure au Département des sciences de l’éducation de l’Université du Québec à Chicoutimi
Au printemps 2020, lors de la réouverture des établissements scolaires après quelques semaines de fermeture forcée, Élisabeth Boily, alors orthopédagogue-conseil dans la région du Saguenay–Lac-Saint-Jean, se demandait comment ses collègues pourraient intervenir auprès de leurs élèves dans le contexte de crise sanitaire, dans leurs minuscules locaux. Pourquoi ne pas mettre le nez dehors ?
Mais comment, dans un environnement sans murs ni bureaux, réussir à améliorer les compétences en lecture, en écriture et en mathématiques ? « Les bienfaits de l’éducation en plein air étaient déjà documentés, dont l’augmentation de l’attention et la diminution du stress, de même que ses obstacles, dont la météo, la gestion de classe, celle du temps, etc. », souligne Élisabeth Boily. Or, s’il est facile d’envisager un cours d’éducation physique ou une classe de sciences naturelles dans un cadre bucolique, il y a un réel défi à élaborer au grand air des pratiques propres à l’orthopédagogie.
Ce qui fut au départ une expérimentation dans un contexte totalement inusité s’est peu à peu transformé en véritable sujet de recherche. Depuis, Élisabeth Boily est devenue professeure en adaptation scolaire et sociale à l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC), bien déterminée à explorer ce qui représente beaucoup plus qu’une « activité bonbon ».
Avec la collaboration des orthopédagogues Simon Villeneuve et Audrey Lemieux, elle explore toutes les possibilités de cette pratique, afin d’en recenser les bienfaits, mais aussi les entraves. En utilisant des ballons, des cerceaux, des cordes à linge, voire des boules de neige, dans une cour d’école, un parc ou un boisé, l’élève réussit-il à s’engager sur la voie de la réussite scolaire ?
À ceux et celles qui croient qu’un tel environnement non contrôlé pourrait augmenter les distractions, la chercheuse réplique par des données. « Des études qui portaient spécifiquement sur l’impact de l’enseignement en plein air chez les élèves atteints de troubles déficitaires de l’attention ont constaté une diminution des manifestations. »
Élisabeth Boily croit au potentiel que représente le plein air pour l’orthopédagogie, de même que pour toutes les matières et tous les services, comme l’orthophonie. « Alors que les enfants bougent moins et sortent moins, voilà une approche qui pourrait leur donner le goût d’aller jouer dehors. Pour beaucoup de nos élèves, l’école est un symbole de stigmatisation. Les sortir de cet environnement à l’occasion peut devenir un véritable levier de changement. »
Photos: Simon Villeneuve;Audrey Lemieux