Pour réussir au cégep, les étudiants et étudiantes de première génération ont besoin d’acquérir certaines connaissances qui ne sont pas enseignées en classe.
Il y a les leçons apprises sur les bancs d’école, inscrites au programme officiel. Puis, il y a une part d’apprentissages inconscients, qui témoignent des origines de l’apprenant ou apprenante. Ce curriculum caché s’apparente à la face immergée d’un iceberg ; les compétences qui le constituent ont beau être invisibles, elles sont d’une importance capitale dans la réussite.
Cela est tout particulièrement vrai au collégial, où les étudiants et étudiantes de première génération (EPG) se heurtent souvent à un mur. Ces jeunes dont les parents n’ont pas fait d’études postsecondaires peuvent multiplier les faux pas : méconnaissance des normes de présentation d’un travail, blocages rédactionnels, incapacité à bien citer ses références… Cela peut finir par peser lourd dans la balance.
« C’est comme s’ils entamaient des études supérieures sans avoir été informés de toutes les subtilités propres à cet univers. Ce choc culturel est synonyme d’inefficiences qui, à la longue, minent la confiance en leurs moyens », explique Louise Lemieux, professeure à l’Unité d’enseignement et de recherche en sciences de l’éducation de l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT).
Les EPG ont d’ailleurs tendance à opter pour les formations techniques plutôt que préuniversitaires. « Cela parle du doute qu’ils entretiennent quant à leur capacité à mener des études postsecondaires », indique Réal Bergeron, professeur à la même unité de recherche de l’UQAT, aujourd’hui à la retraite.
Lever le voile
Avec la professeure Julie Mayrand (UQAT) et la conseillère en services pour les étudiants et étudiantes Marie-Pier Pilon (UQAT), les deux scientifiques ont entrepris de mettre au jour le curriculum caché des EPG. « Nous pourrons ainsi mieux cibler des stratégies d’apprentissage et de résolution de problèmes qui vont leur permettre d’être plus à l’aise dans leur parcours scolaire », affirme M. Bergeron.
L’équipe distribuera cette année un questionnaire en ligne à tous les étudiants et étudiantes des programmes techniques d’éducation spécialisée et d’éducation à l’enfance du cégep de Saint-Jérôme et du collège Lionel-Groulx.
Puis, des rencontres seront organisées. Le but : mieux comprendre les défis auxquels ils font face, mais aussi leurs acquis. « Ils arrivent sur les bancs d’école avec de la bonne volonté, un potentiel intéressant, parfois même des expériences de travail importantes, mais ils ne s’y sentent pas à leur place », déplore Louise Lemieux.
La deuxième phase du projet, prévue pour 2025, consistera à mieux les outiller. « Cet accompagnement sera arrimé aux programmes, de manière à ne pas augmenter indûment la charge de travail des EPG. »
Cette intervention se basera sur une approche élaborée à 100 % par l’UQAT et dite « d’actualisation du potentiel intellectuel ». « Il s’agit de développer l’efficience cognitive des élèves en leur apprenant à apprendre », traduit la chercheuse. Chez les EPG, l’acquisition de ces compétences pourrait faire la différence entre l’abandon des études et la persévérance, croit-elle.
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