Coaticook, Senneterre, Rivière-Rouge… les fermetures des services d’urgence en milieu rural se sont multipliées ces dernières années, notamment en raison de la pénurie de personnel infirmier. L’urgentologue Richard Fleet croit qu’une partie de la solution se trouve au-delà de l’hôpital.
C’est ironiquement son expérience à Nelson, une petite ville de Colombie-Britannique, qui a fait de ce spécialiste de la médecine d’urgence un ardent défenseur des malades des régions du Québec. « On devait transférer [à l’hôpital régional] beaucoup de patients dans des états critiques. J’ai réalisé à quel point on était seuls au monde avec très peu de spécialistes », relate Richard Fleet, précisant que cette municipalité, prisée pour le ski et le vélo de montagne, voit défiler beaucoup de traumatismes dont la prise en charge est compliquée par l’absence d’équipements d’imagerie et de laboratoire.
Le spécialiste fait parallèlement le constat que la littérature scientifique au sujet des urgences rurales est lacunaire. Pourtant, au Canada, environ une personne sur cinq vit en milieu rural, dit-il. De retour au Québec pour diriger la Chaire de recherche et d’innovation en médecine d’urgence de l’Université Laval, il entreprend de documenter les inégalités dans l’accès aux services de santé entre villes et régions – et surtout de trouver des moyens pour réduire cet écart.
L’épreuve du feu
Une fois l’état des lieux effectué, l’équipe de Richard Fleet, au Centre de recherche en santé durable VITAM, passe à l’action. Elle met sur pied le Living Lab Charlevoix, un « écosystème d’innovation où citoyens, chercheurs, travailleurs de la santé, créateurs, usagers, entrepreneurs et décideurs » s’allient pour améliorer la santé de la population. Le projet compte déployer ses idées dans les deux hôpitaux de Charlevoix : Baie-Saint-Paul et La Malbaie. L’annonce de la fermeture de l’urgence de Baie-Saint-Paul de 16 h à 8 h pendant l’été 2021 va offrir à ce « laboratoire vivant » l’occasion de faire ses preuves. Le but : garder l’urgence ouverte 24 heures sur 24 !
La poignée d’étudiants et d’étudiantes en médecine inscrits au stage de leadership de ce laboratoire utilisent alors la démarche du design thinking, basée sur l’empathie, pour tester des solutions innovantes. Dans le cadre d’ateliers réflexifs, les infirmières vont par exemple s’exprimer sur leurs conditions de travail, leur qualité de vie et leur perception de la crise pour proposer des solutions à leur portée.
Elles consentent ainsi à des horaires autogérés pour diminuer les heures supplémentaires obligatoires. Le recours à du personnel non infirmier pour les tâches administratives et la désinfection ainsi que la promotion de la profession dans les écoles de la région sont aussi mis en place pour assurer la pérennité de l’initiative. Grâce au travail collaboratif, non seulement la fermeture est évitée, mais on met aussi en place des stratégies pour éviter qu’un tel scénario se répète.
« Combien de vies ont été sauvées dans Charlevoix ? Peut-être 1, 2, 50, on ne le sait pas. Mais c’est énorme dans tous les cas ! Ce qu’on fait, c’est écouter les personnes et donner le pouvoir à la communauté », fait valoir Richard Fleet. Il ajoute ne pas avoir reçu d’appel du ministère de la Santé en lien avec cet « hôpital rural modèle », mais il souligne que des appels remplis d’espoir retentissent en provenance de Coaticook, de Rivière-Rouge et de tant d’autres petits milieux désireux de garder leur service d’urgence ouvert en tout temps…
- Plus de 6 millions de Canadiens et Canadiennes vivent dans des régions rurales et éloignées.
- Au Québec, les victimes de traumatisme grave ont plus de trois fois plus de risques de succomber à leurs blessures si elles sont traitées dans un établissement rural par rapport à un service d’urgence urbain.
- Moins de 8 % des médecins exercent en milieu rural au pays.
Les centres financés par le FRQS sont des catalyseurs de recherche de pointe, des lieux de formation aux études supérieures et des plateformes de transfert des connaissances et des technologies vers les services de santé.
Les centres financés par le Fonds de recherche du Québec – Santé sont des catalyseurs de recherche de pointe, des lieux de formation aux études supérieures et des plateformes de transfert des connaissances et des technologies vers les services de santé.
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