Photo: Luke Pennystan/Unsplash
En cuisinant des crêpes, des choux de Bruxelles et des plats sautés, des scientifiques de l’Université de Colombie-Britannique ont montré pour la première fois la présence d’oxygène singulet à l’intérieur de nos maisons.
L’oxygène singulet (1O2) est une molécule d’oxygène très réactive. Dernièrement, des scientifiques de l’Université de la Colombie-Britannique (UBC) qui s’intéressent à la pollution de l’air intérieur s’est installée dans une cuisine industrielle de l’UBC pour préparer divers repas comme des crêpes, des choux de Bruxelles et des sautés de légumes. L’objectif? Vérifier, en conditions contrôlées, quels polluants sont produits en cuisinant « les plats d’une journée typique, donc un déjeuner, un dîner et un souper », explique la chercheuse Nadine Borduas-Dedekind.
Ils ont eu la surprise de mesurer, dans l’air de la cuisine, la présence d’une forme d’oxygène qui pourrait être nuisible à la santé, l’oxygène singulet. Leurs travaux font l’objet d’un article publié dans Environmental Science : Atmospheres.
Qu’est-ce que l’oxygène singulet?
L’oxygène singulet (1O2) est une forme plus énergique et réactive de l’oxygène que nous respirons. Il est observé lors de grands feux de forêt, où la combustion des arbres produit un mélange de particules appelé « carbone brun ». Sous l’effet de la lumière, une partie se transforme en oxygène singulet.
L’équipe de l’UBC a constaté que la cuisson d’aliments relâche d’abord du carbone brun, un mélange de molécules variées à base de carbone, d’hydrogène et d’oxygène, sous forme d’aérosols. En présence de lumière, comme le soleil ou la lumière artificielle, le carbone brun libère ensuite de l’oxygène singulet dans l’air intérieur. Les scientifiques ont détecté pour chaque plat cuisiné une quantité similaire d’oxygène singulet, à l’exception d’un chili bouilli, où les conditions de cuisson ont entraîné la formation de moins d’aérosols.
De la chimie atmosphérique à la chimie domestique
Nadine Borduas-Dedekind raconte que les réactions chimiques qui ont cours dans l’atmosphère terrestre sont étudiées depuis des décennies. Les scientifiques se sont notamment intéressés à l’important épisode de smog qui a recouvert Londres, en 1952, ou encore les épisodes de smog récurrents à Los Angeles dans les années 1970 et 1980.
Cependant, la recherche s’est moins attardée à ce qui se passe dans l’air intérieur de nos maisons. La pandémie de COVID-19 a incité les scientifiques à se pencher davantage sur ces phénomènes. « On dispose maintenant d’instruments capables de mesurer les composés présents dans l’air intérieur chaque seconde. On s’est rendu compte qu’une multitude de réactions chimiques se produisaient dans nos environnements intérieurs, mais que l’on ne les avait jamais mesurées auparavant », illustre la chercheuse de l’UBC. « Ainsi, on ignorait qu’on respirait depuis longtemps de l’oxygène singulet », ajoute-t-elle.
Les impacts sur la santé humaine encore inconnus

La chercheuse Nadine Borduas-Dedekind dans son laboratoire à l’Université de la Colombie-Britannique.
Les scientifiques de l’UBC rapportent, en s’appuyant sur d’autres recherches réalisées sur la pollution de l’air, que l’oxygène singulet détecté dans la maison pourrait potentiellement contribuer « au développement de problèmes respiratoires et de maladies cardiaques à long terme. » Mais puisque sa présence n’a été identifiée que récemment, de futures recherches devront s’y pencher pour évaluer si cela pose un risque réel pour la santé. « On sait, par exemple, que l’oxygène singulet qui se trouve dans l’atmosphère des feux de forêt affecte la santé humaine. Mais combien en respire-t-on dans nos cuisines? Les recherches sont encore insuffisantes pour y répondre précisément », indique Nadine Borduas-Dedekind.
En attendant, une façon simple d’assainir son environnement est de s’assurer d’avoir une ventilation efficace pour améliorer la qualité de l’air intérieur, mentionne la chercheuse. Ce serait particulièrement important pour ceux et celles qui travaillent quotidiennement en cuisine. Adeptes de cuisine, à vos hottes!