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22 août 2024
Temps de lecture : 4 minutes

La lumière de chez nous

Le Pôle d’excellence en optique-photonique du Québec a soutenu la production de ce texte.

L’art de dompter la lumière : voici, en quelques mots, ce qu’est l’optique-photonique. Cette discipline transversale, en pleine effervescence au Québec, s’infiltre dans tous les domaines technologiques. Pour un quotidien… brillant !

Quand Albert Einstein s’intéresse aux photons, au début du 20e siècle, il est loin d’imaginer que ces « grains de lumière », à la fois particules et ondes, vont révolutionner la vie quotidienne.

Des lasers ultrarapides aux télé­communications, en passant par les soins de santé, l’aérospatiale, l’énergie, le secteur manufacturier et l’imagerie, tout repose aujourd’hui, à divers degrés, sur des techniques de génération, d’amplification, de manipulation, de conversion et de détection de la lumière.

Chef de file dans le domaine, le Québec compte à lui seul plus de 250 entreprises qui misent sur la lumière pour développer des solutions transformatrices pour de nombreux secteurs. À l’appui de cette industrie se trouve un organisme à but non lucratif : Optonique, pôle d’excellence en optique-photonique du Québec, qui souhaite braquer les projecteurs sur cette science discrète… et révolutionnaire.

La lumière, outil de pointe

Après un essor fulgurant au 20e siècle, l’électronique atteint aujourd’hui ses limites. Face à la demande croissante des besoins en télécommunications et en puissance de calcul, la vitesse d’opération et de traitement de l’information par les électrons devient insuffisante pour bon nombre d’applications.

La solution s’impose d’elle-même : profiter de la lumière, et de sa vitesse imbattable. Le signal lumineux permet d’effectuer des opérations de 1000 à 10 000 fois plus vite qu’avec des composantes électroniques ! Après avoir été à la base de la révolution numérique, avec la fibre optique et le laser, les photons remplacent peu à peu les électrons sur les circuits intégrés, grâce à la « photonique sur puce ».

« Tout repose aujourd’hui sur des techniques de génération, d’amplification et de manipulation de la lumière »

Cette maîtrise des photons, qui interagissent de multiples façons avec la matière, ouvre aussi des perspectives inédites pour la mise au point de capteurs ultrasensibles et sans contact. Le tout, dans une large gamme de longueurs d’onde et au-delà du spectre visible. À la clé ? La détection de molécules bio­logiques et chimiques, de bactéries ou de virus, même à très faible concentration, l’analyse de la végétation et des cultures, la vision automatique, etc.

Ce n’est pas tout ! Les propriétés quantiques des photons, de mieux en mieux comprises, sont aussi au cœur de la nouvelle révolution quantique : sécurisation des données, cryptographie, calcul quantique photonique… Le futur sera assurément lumineux ! Zoom sur deux entreprises québécoises qui sauront vous en convaincre.

Les yeux des machines

Concevoir des systèmes de vision avancés, allant de la caméra jusqu’au codage des algorithmes de traitement d’images : c’est le cœur de métier d’Immervision depuis 20 ans. L’entreprise montréalaise met au point des caméras avant-­gardistes pour l’automobile, la robotique, les applications militaires et les produits de grande consommation, comme le cellulaire. « Il y a deux grands volets. D’abord, la vision humaine, par exemple la caméra de votre ordinateur qui vous permet de faire une visioconférence. On cherche à avoir les plus belles images possibles », résume Patrice Roulet, cofondateur et vice-président de la technologie. Immervision a une expertise unique dans la miniaturisation et les caméras grand-angles, qui permettent de capter plusieurs personnes assises côte à côte sans distorsion.

Le deuxième volet concerne la vision automatique, c’est-à-dire les images collectées et analysées par les machines à l’aide de l’intelligence artificielle. Un exemple : des caméras efficaces à basse luminosité pour équiper des drones.

Sur le marché concurrentiel des capteurs optiques, Immervision se distingue par « une longue lignée d’innovations, et un savoir-faire unique qui combine le design optique et les logiciels », explique Pascale Nini, présidente du conseil d’administration et ancienne PDG. « Nous développons aussi, à l’interne et à des fins commerciales, des jumeaux numériques de nos caméras. Ils permettent de tester de nombreux paramètres pour prédire ce que le système de vision va donner, sans avoir à assembler ni à tester le hardware. Cela réduit le temps et les coûts de développement », ajoute M. Roulet.

L’équipe s’intéresse aussi aux avancées de la photonique quantique, qui repose sur la capture de photons uniques. « Comme les photons se réfléchissent sur toutes les surfaces, on peut s’en servir pour voir ce qui n’est pas visible directement, indique Pascale Nini. On peut imaginer une caméra fixée sur le pare-brise d’une auto, qui montrerait l’enfant assis sur le siège arrière, grâce aux photons qui se réfléchissent sur les vitres. » Autrement dit, une caméra voyant « au travers » des obstacles !

L’œil, une fenêtre sur la santé

Les yeux sont le miroir de l’âme, mais ils sont aussi celui de la santé. « L’œil est extraordinaire : c’est le seul endroit où on peut avoir accès au sang de façon non invasive, ainsi qu’au cerveau, car la rétine fait partie du cerveau », explique avec enthousiasme le Dr Patrick Sauvageau. Cet optométriste de formation a fondé Zilia en 2017 avec son frère ingénieur. Leur but ? Mettre au point des appareils pour observer le fond de l’œil et détecter en une fraction de seconde diverses pathologies, tant oculaires que cérébrales ou systémiques. « La plateforme que l’on met au point ouvre la porte à une foule d’applications, et repousse les frontières dans les domaines du dépistage, du diagnostic et de la thérapie », affirme-t-il.

Au-delà de l’imagerie « classique » de la rétine, Zilia mise sur la spectroscopie, une technique qui repose sur l’interaction entre la matière et la lumière. « Chaque molécule a une signature spectrale unique, un peu comme une empreinte digitale. On peut donc détecter et quantifier de très nombreux biomarqueurs grâce à un signal lumineux envoyé sur la rétine et réfléchi par elle », explique Patrick Sauvageau.

Si le champ des possibles semble illimité, Zilia se concentre pour l’instant sur la mesure du taux d’oxygène. « L’œil a besoin d’être très oxygéné pour bien fonctionner, et la baisse du taux d’oxygène est un facteur de risque de plusieurs maladies oculaires », précise le Dr Sauvageau. Il a entamé des démarches auprès de la Food and Drug Administration et espère obtenir l’approbation de commercialisation aux États-Unis d’ici la fin 2025. « On aimerait que cette technique soit disponible dans les hôpitaux et les cliniques privées », dit-il, précisant que l’appareil a un format et un coût semblables à n’importe quel instrument d’optométrie.

En attendant, Zilia, basée à Québec, collabore avec de nombreux scientifiques du milieu universitaire pour caractériser de nouveaux biomarqueurs sanguins ou oculaires.

« Le défi, c’est de mettre au point les algorithmes qui, à partir du signal lumineux, parviennent à quantifier les bio­marqueurs. Comme nous sommes les premiers à faire ça, il faut tout vérifier en clinique, s’assurer que l’étalonnage est bon, que les mesures sont fiables, etc. », ajoute l’entrepreneur. La perspective de diagnostics instantanés et indolores n’a jamais été aussi concrète.

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