Photo: Nobel Prize Outreach/Clément Morin
Cette année, les prix Nobel de physique et de chimie ont mis à l’honneur des découvertes en intelligence artificielle.
Prix Nobel de physique : l’apprentissage automatique récompensé
Cette année, le prix Nobel de physique récompense l’Américain John Hopfield et le Britanno-Canadien Geoffrey Hinton pour leurs travaux en intelligence artificielle (IA). Quel est le lien entre la physique et l’IA? Les algorithmes d’apprentissage automatique s’appuient en grande partie sur des principes physiques et mathématiques, que ces deux pionniers ont développés.
En 1982, John Hopfield a développé un modèle de réseau de neurones virtuels qui s’inspire des connexions cérébrales réelles. Concrètement, ce type de réseau fait preuve d’une capacité de mémoire associative, c’est-à-dire qu’il peut reconnaître une forme, un mot, un concept selon ce qu’il a déjà appris. Et il est à la base de toutes les prouesses récentes de l’IA. Quant à Geoffrey Hinton, il a utilisé des principes de la physique statistique pour améliorer les réseaux de neurones artificiels.
Les deux chercheurs ont ainsi appliqué des concepts de la physique pour faire avancer l’intelligence artificielle. Ils font tous les deux parties des scientifiques qui alertent sur les dangers potentiels de l’IA, car celle-ci se développe très rapidement et sans garde-fou.
Prix Nobel de chimie : IA et biologie moléculaire, un duo gagnant
Les travaux des lauréats, l’Américain David Baker, le Britannique Demis Hassabis et l’Américain John M. Jumper, ont fait avancer de manière spectaculaire notre compréhension des protéines grâce à l’intelligence artificielle.
Les protéines, constituées d’une série d’acides aminés, adoptent naturellement une configuration en trois dimensions qui détermine leurs fonctions biologiques. La façon dont les protéines se replient est étudiée depuis une cinquantaine d’années. AlphaFold2, l’outil informatique développé il y a quelques années par Hassabis et Jumper chez Google DeepMind, a permis de prédire la structure 3D des protéines à partir d’une séquence d’acides aminés avec une précision sans précédent – près de 90% ! Les techniques de laboratoire autrement utilisées pour déterminer la structure des protéines (cristallographie aux rayons X et cryomicroscopie électronique) sont complexes et prennent beaucoup plus de temps. De son côté, David Baker a utilisé l’IA pour concevoir des séquences d’acides aminés à partir d’une structure de protéine désirée. Il a ainsi ouvert la voie à l’ingénierie de protéines sur mesure.
Ces découvertes ont des répercussions importantes : les scientifiques peuvent désormais analyser et concevoir plus rapidement des protéines, ce qui facilite le développement de nouveaux antibiotiques, de vaccins, et permet de manière générale une meilleure compréhension du fonctionnement cellulaire.
Prix Nobel de médecine ou physiologie
Ici, pas d’IA à l’honneur, mais un petit mécanisme qui a une influence énorme sur la biologie. Longtemps sous-estimés, les micro-ARN — de minuscules segments d’ARN autrefois considérés comme inutiles — ont révélé leur importance grâce aux travaux des lauréats du prix Nobel de médecine, les Américains Victor Ambros et Gary Ruvkun. En 1993, ces scientifiques ont démontré que les micro-ARN jouent en fait un rôle clé dans la régulation des gènes (et dans ce qu’on appelle l’épigénétique).
Les micro-ARN, à ne pas confondre avec les ARN messagers, sont non codants, c’est-à-dire qu’ils ne constituent pas une « recette » pour fabriquer des protéines. Ils agissent plutôt comme des bâtons qui viennent se mettre dans les roues de la mécanique cellulaire. Ils se fixent sur des ARN messagers cibles, les empêchant d’être traduits en protéines, ce qui permet de réguler la quantité de protéines produites dans la cellule.