Tenter de prédire l’avenir est un exercice hasardeux. Mais les projections pour la suite du 21e siècle sont bien plus sombres aujourd’hui qu’elles ne l’étaient il y a 25 ans. La science a-t-elle perdu de son aura salvatrice?
Fin 1999, Québec Science s’associait à la firme Léger pour sonder ses lecteurs et lectrices sur leur vision de l’avenir. « En l’an 2025, nous aurons certainement ou très probablement vaincu le cancer », avaient alors répondu deux tiers des 1000 personnes interrogées. Les autres questions posées étaient décidément bien naïves : d’ici 25 ans, aura-t-on éliminé la faim ? La pollution ? Aura-t-on marché sur Mars ? Créé un ordinateur vivant ?
Hormis pour le cancer, les adeptes du magazine s’étaient montrés plutôt prudents face aux promesses parfois exagérées de la science (ou des journalistes !). On salue rétrospectivement leur réalisme, depuis nos océans de plastiques et nos crises sociales et humanitaires multiples !
Mais la candeur des questions posées par la rédaction (le changement climatique n’était même pas au menu) est tout de même révélatrice de l’optimisme technologique et médical de l’époque.
C’est d’ailleurs ce qui est amusant avec ce type de prédictions. Quelle que soit l’époque à laquelle on les formule, elles ont en général un point commun : elles se révèlent finalement dans le champ… Elles en disent plus sur les préoccupations et les espoirs du moment que sur le futur lui-même.
La « futurologie » s’évertue pourtant à être la plus scientifique possible, du moins depuis les années 1960, lorsqu’elle a émergé comme « discipline » dans les milieux universitaires. Combinant sciences politiques, sociologie, économie et ingénierie, les futurologues s’appuient sur des données du passé et du présent, analysent les tendances, extrapolent des chiffres… Le but : élaborer des scénarios plausibles et probables de l’avenir.
Dans les faits, les scénarios en question oscillent souvent entre catastrophisme et rêves techniques grandiloquents. Tout au long du 20e siècle, on a fantasmé sur la conquête spatiale, sur les bases lunaires et martiennes, sur les robots ménagers corvéables à merci ou sur les voitures volantes. Le désir d’immortalité et d’éradication des maladies (dont le cancer, dont on prédit la fin sans relâche depuis les années 1970) jalonne lui aussi l’histoire des « études du futur ».
Parallèlement, les craintes de guerre nucléaire et la peur des robots malveillants ont nourri les pensées dystopiques. Dès les années 1970, la prise de conscience des problèmes environnementaux ternit également le tableau. En 1972, le Club de Rome, un groupe de réflexion réunissant des scientifiques, des fonctionnaires et des chefs d’entreprise, publie le rapport Meadows, qui alerte sur la finitude des ressources et le danger de la pollution. Mais pas grand monde ne s’affole. Globalement, la science reste perçue comme une solution à tous les problèmes, ou presque.
Depuis, le « technosolutionnisme » a perdu la cote. Les recommandations du Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC) sont claires : l’action se doit avant tout d’être politique. Quant à l’essor incontrôlé de l’intelligence artificielle, que personne n’avait vu venir si vite, il pose aussi question. Son influence sur l’information et la démocratie, entre autres, fait trembler les spécialistes du domaine.
La fascination pour le futur semble chose du passé. Si Québec Science refaisait le même sondage aujourd’hui, en faisant l’impasse sur la crise climatique ou démocratique, par exemple, je pense que notre lectorat nous le renverrait à la figure.
Or, si on retourne aux origines de la futurologie moderne, on constate qu’elle a aussi eu un rôle fédérateur, plus centré sur la diplomatie que sur la techno. Les futurologues des Nations unies, par exemple, se sont évertués pendant des décennies à prendre le contrepied de la guerre froide et à imaginer un futur pacifique et coopératif.
L’humanité a besoin de se projeter, et de le faire de manière positive. Les scénarios d’avenir, même sombres, sont aussi des outils de compréhension et des leviers d’action. L’intelligence collective, la mobilisation citoyenne, la créativité sociale peuvent apporter au moins autant de solutions que l’innovation technologique et les robots-esclaves.
Il n’y a pas de prophétie : une bonne part de la futurologie repose sur l’imagination. Plutôt que de se replier sur elles-mêmes et de se persuader que le passé était meilleur, les sociétés devraient reprendre leur avenir en main. Le journaliste et historien néerlandais Rutger Bregman, un optimiste, résume bien le message : « L’incapacité d’imaginer un monde où les choses seraient différentes n’indique qu’un défaut d’imagination, pas l’impossibilité du changement. » Réinjectons un peu d’imagination dans le futur.
Madame Corniou
Québec Science est un site sérieux. Votre revue et vos articles doivent être pris comme de la totale qualité.
Je viens de lire l’article de Maude Raymond, « Anticiper l’aide médicale à mourir ». Très intéressant comme sujet, surtout à mon âge , 78 ans 😁😁😁.
Cependant, je constate, que pour chaque article, QS ne mentionne pas le titre professionnel ou qualificatif de l’auteur (autrice).
En quoi l’auteur ou l’autrice est qualifié(e) pour » pondre » ou traiter d’un tel sujet et article.
Mme Raymond est-elle gérontologue, médecin, etc. Je veux bien lire et surtout prendre pour acquis les informations présentées, à la condition qu’elles proviennent d’une source fiable ou d’un auteur ou autrice crédible et qualifié. Un article d’un » n’importe qui » comme moi ne serait pas crédible, n’est ce pas.
Ne me dite pas que je n’ai qu’à consulter le site de QS pour voir le cv de cette personne. Ce n’est pas ce que je veux.
Mentionnez à quel titre il rédige l’article.
S’il n’était pas qualifié ni crédible, vous ne lui confieriez pas ce mandat. Vous avez des normes à respecter!
Indiquez seulement ce titre. Merci et bravo pour la totale qualité de vos articles.
Merci pour votre remarque, nous en tiendrons compte dans les prochaines chroniques. En attendant, sachez que Maude Raymond est infirmière praticienne et présidente de l’Association des infirmières praticiennes spécialisées du Québec.