Les technologies multiomiques, qui mesurent simultanément les concentrations de milliers de molécules dans le sang ou dans un organe, révolutionnent la recherche de biomarqueurs. Une équipe de l’Institut universitaire de cardiologie et de pneumonie de Québec (IUCPQ) en a fait une démonstration éloquente.
Essoufflement au moindre effort, toux, fatigue, malaises… Les symptômes de l’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) ressemblent à ceux de plusieurs maladies du cœur ou des poumons. En réalité, cette affection rare est liée à une augmentation de la pression sanguine dans les artères qui relient le cœur aux poumons. Elle est grave et évolue rapidement ; la transplantation pulmonaire ou cardio-pulmonaire reste encore souvent la seule option.
Pour offrir les meilleurs soins et prioriser les personnes en phase avancée pour la greffe, « il est important d’avoir des biomarqueurs [soit des molécules] qui permettent de prédire l’évolution de la maladie », explique le Dr Olivier Boucherat, du Centre de recherche de l’IUCPQ. Idéalement, on aimerait que ces marqueurs renseignent sur le degré de détresse du cœur, qui, lui, conditionne le pronostic.
En effet, chez les personnes atteintes, pour des raisons complexes, les cellules des petits vaisseaux sanguins à l’intérieur des poumons prolifèrent, ce qui rigidifie leurs parois et rend la circulation du sang difficile. Conséquence : la pression augmente en amont dans les artères pulmonaires, et le cœur doit pomper plus fort pour contrer la résistance. Le ventricule droit se fatigue dangereusement.
Comment détecter, dans le sang, la molécule qui permettrait de renseigner instantanément sur l’état du cœur ? Olivier Boucherat et son équipe ont misé sur les technologies omiques à haut débit, qui permettent d’obtenir un instantané du taux de milliers de molécules différentes dans un tissu malade et de comparer ce portrait à ce qui se passe chez des personnes en santé.
« Nous avons analysé le cœur de patients décédés de cette maladie pour y mesurer le transcriptome et le protéome, c’est-à-dire les ARN messagers et les protéines », explique le chercheur. Ce criblage très large donne une bonne idée des signaux activés dans le tissu en souffrance. En parallèle, l’équipe a mesuré des milliers de protéines dans le sang d’environ 200 malades dans deux cohortes différentes, puis a croisé les données.
Bilan : une poignée de biomarqueurs semblaient corrélés à la gravité de l’atteinte du ventricule droit. Dans le lot, la protéine LTBP2 est apparue comme un bon prédicteur de l’évolution de la maladie. « Elle est liée à la fibrose cardiaque ; un taux élevé dans le sang révèle que le cœur est très atteint. »
Ces technologies sont encore difficiles à traduire en outils cliniquement exploitables, explique le Dr Boucherat. « Un bon biomarqueur doit diminuer dans le sang lorsque les patients répondent bien au traitement qu’ils reçoivent. Et pour vérifier cela, il faut beaucoup d’échantillons et de financement », souligne-t-il.
Il n’empêche, ces résultats préliminaires, qui ont fait l’objet d’une publication dans Nature, montrent toute la puissance des « omiques » pour mettre le doigt sur la ou les molécules pertinentes pour guider la prise en charge. « Elles sont un atout majeur, estime le spécialiste. Je pense qu’à l’avenir, on conjuguera plusieurs biomarqueurs pour mesurer par exemple la fibrose, l’inflammation, le stress des cellules cardiaques et la réponse à un traitement. »
Le saviez-vous ?
- L’HTAP touche de 15 à 50 personnes sur un million. Seulement la moitié d’entre elles sont encore en vie 10 ans après le diagnostic.
- Génomique, transcriptomique, protéomique, métabolomique : les sciences « omiques » renseignent sur plusieurs aspects du fonctionnement des cellules.
- 5400 protéines dans 2 microlitres de sang : c’est ce que permet d’évaluer en un coup la plateforme Olink, utilisée par l’équipe de l’IUCPQ.
Les centres financés par le FRQ sont des catalyseurs de recherche de pointe, des lieux de formation aux études supérieures et des plateformes de transfert des connaissances et des technologies vers les services de santé.
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