De la poussière et des fragments de roches provenant de l’astéroïde Bennu. Photo: NASA/Erika Blumenfeld et Joseph Aebersold
On en sait désormais davantage sur la composition géologique de l’astéroïde, dont un échantillon sera bientôt conservé par l’Agence spatiale canadienne.
Les 121,6 g grammes de roche prélevée sur l’astéroïde Bennu par la mission OSIRIS-REx de la NASA ont commencé à livrer leurs secrets. Dans un article publié dans Nature Astronomy, les scientifiques détaillent leurs découvertes. Premier constat : Bennu est riche en composés volatils, plus particulièrement ceux à base de carbone, d’azote et d’ammoniac surpassant les niveaux détectés précédemment sur d’autres astéroïdes comme Ryugu et Itokawa. Selon l’étude, cela suggère que Bennu et d’autres corps célestes « pourraient avoir été une source de molécules pour l’émergence de la vie sur Terre et peut-être ailleurs. »

Caroline-Emmanuelle Morisset, scientifique principale de missions planétaires à l’Agence spatiale canadienne. Photo: Agence spatiale canadienne
Cependant, cette découverte ne signifie pas que la vie existe ailleurs, tient à préciser Caroline-Emmanuelle Morisset, scientifique principale de missions planétaires à l’Agence spatiale canadienne. « Bennu contient des éléments propices à faire naître la vie, mais cela ne signifie pas que celle-ci s’est développée ailleurs dans le Système solaire. Pour l’instant, nous parlons des briques de base ayant mené à la vie sur Terre. C’est une nuance importante à saisir », souligne-t-elle.
Autre découverte majeure : Bennu contient une variété de molécules organiques. Parmi elles, on y trouve les cinq nucléobases (A, T, G, C, et U, qui servent à la formation de l’ADN et de l’ARN) ainsi que 14 des 20 acides aminés essentiels à la vie terrestre. « Les acides aminés sont les blocs de construction des protéines. On peut les comparer à des lettres de l’alphabet qui forment des mots et des phrases. Ils constituent les fondations de la vie », explique Caroline-Emmanuelle Morisset.
La chercheuse insiste sur l’importance de cette découverte. « Les conditions favorables à la formation de ces molécules ne semblent pas limitées à la Terre, elles étaient probablement répandues dans le Système solaire. »
Une salle blanche en construction
La collaboration du Canada à la mission spatiale lui permet d’obtenir une part du précieux l’échantillon : 4,8 grammes! Pour les préserver, une salle blanche est en construction à l’Agence spatiale canadienne, à Longueuil.

Une fiole contenant une petite partie de l’échantillon Bennu. À voir cette poussière noire, rien ne laisse paraître son âge vénérable de plus de 4,5 milliards d’années! « L’échantillon de Bennu est très beau à voir! Mais ce n’est pas avec les yeux que l’on comprend son âge. C’est grâce aux analyses chimiques », observe Caroline-Emmanuelle Morisset. Photo: NASA
Responsable de l’analyse et de la préservation, Caroline-Emmanuelle Morisset signale que l’échantillon sera protégé des interactions avec l’atmosphère (oxygène et humidité) qui pourraient altérer sa composition. « Nous allons le garder dans une salle blanche, un environnement contrôlé où l’air est filtré et sous pression positive [NDLR c’est-à-dire une salle qui pousse l’air vers l’extérieur, de manière à éviter la pénétration de contaminant dans la salle] pour minimiser la présence de particules en contact avec l’échantillon. Il sera également manipulé dans une boîte à gants remplie d’azote, un gaz inerte », détaille-t-elle.
Ces précautions permettront d’étudier Bennu sur une longue période de temps, en profitant des avancées futures des technologies analytiques. « À titre d’exemple, des échantillons de la mission Apollo, ramenés de la Lune il y a plus de 50 ans, font encore l’objet d’études scientifiques », rappelle la chercheuse.
Si ce fragment d’astéroïde, vieux de 4,5 milliards d’années, aide à mieux comprendre la naissance de notre Système solaire [voir encadré], les scientifiques ignorent encore ce qui a provoqué l’apparition de la vie sur Terre. En attendant, OSIRIS-REx poursuit son voyage : après la livraison de la capsule, la sonde a poursuivi sa route vers l’astéroïde Apophis, qu’elle atteindra en 2029. La sonde utilisera ses instruments scientifiques pour étudier Apophis, comme elle l’a fait avec Bennu sans toutefois se déposer pour collecter des échantillons. Peut-être que cette autre chasse à l’astéroïde apportera davantage de réponses?
Pourquoi aller chercher des échantillons sur un astéroïde?
Les astéroïdes suscitent un vif intérêt chez les astrophysiciens, car ils renferment des indices précieux sur les premiers instants du Système solaire et ultimement, sur l’origine de la vie. Contrairement aux météorites qui sont contaminées par leur passage dans l’atmosphère terrestre et les conditions de notre planète, les astéroïdes restent vierges de toute contamination en poursuivant leur périple spatial. D’où l’intérêt d’aller prélever directement des échantillons sur un astéroïde, un exploit scientifique qui a été réussi lors de deux autres missions spatiales, mais les échantillons rapportés étaient beaucoup plus petit.
« Bennu est un matériau relativement peu évolué [qui a subi très peu de transformations chimiques et physiques], c’est pour ça qu’il est si précieux, nous expliquait en 2023 Michael Daly, chercheur à l’Université York, qui mène des analyses sur l’échantillon. »
L’Agence spatiale canadienne a collaboré à la mission OSIRIS-REx en fournissant l’altimètre laser OLA (OSIRIS-REx Laser Altimeter) embarqué à bord de la sonde spatiale. Cet instrument a réalisé 2,7 milliards de mesures pour cartographier la surface de Bennu et ainsi créer un modèle 3D d’une précision inégalée. « C’est de toute beauté! », s’exclame Caroline-Emmanuelle Morisset. Ces données ont d’ailleurs servi à choisir le meilleur site d’échantillonnage en 2020.

La sonde spatiale a pris une série d’images de Bennu à une distance d’environ 80 km. Image: NASA/Goddard/University of Arizona