Coupes budgétaires, licenciements, censure… Aux États-Unis, la guerre contre la science bat son plein. Le Canada est une terre d’asile toute désignée pour les scientifiques qui cherchent à quitter leur pays. Mais ne nous réjouissons pas trop vite…
Depuis la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis sont une terre sacrée pour la recherche. Leur suprématie scientifique s’affiche dans tous les palmarès : universités en tête des classements internationaux, études parmi les plus citées, nombre de prix Nobel inégalé…
Notre voisin a toujours été un aimant à matière grise : 43 % des personnes qui y exercent et qui possèdent un doctorat en science ou en technologie sont nées dans un autre pays. Il faut dire que la grande liberté universitaire, la culture de l’innovation et les financements alloués à la recherche, qu’ils soient publics, privés ou issus de la philanthropie, font pâlir d’envie la plupart des laboratoires de la planète.
Mais la violente offensive lancée par l’administration Trump contre la science a transformé en quelques semaines la terre promise en terrain miné. Les cerveaux américains cherchent à fuir. En mars, un sondage en ligne mené par Nature auprès de 1600 scientifiques américains révélait que 1200 d’entre eux envisageaient de quitter le pays. Certes, les personnes qui ont répondu ne sont pas représentatives de l’ensemble de la communauté. Mais le désarroi est réel.
Déjà, plusieurs scientifiques canadiens exilés sont rentrés au bercail. D’autres ont annulé leurs plans de carrière au sud de la frontière. Les universités canadiennes (et européennes) reçoivent des dizaines de candidatures américaines, et plusieurs y voient une occasion en or d’attirer les têtes brillantes congédiées, censurées ou désespérées par la situation politique. C’est le monde à l’envers !
Le Réseau des hôpitaux universitaires de Toronto a ainsi lancé un programme pour recruter 100 jeunes scientifiques à l’étranger – et surtout aux États-Unis. Au Québec, le gouvernement Legault « étudie la possibilité de financer le recrutement de ces chercheurs », selon La Presse.
« Le concours du Programme des chaires d’excellence en recherche du Canada qui se déroule présentement est aussi conçu pour attirer des vedettes », précise le nouveau recteur de l’Université de Sherbrooke, Jean-Pierre Perreault – on parle de subventions de 157 millions de dollars sur 8 ans pour recruter des sommités mondiales.
Son établissement aimerait aussi saisir la balle au bond ; mais les postes ne tombent pas du ciel. « Effectivement, il ne faut pas penser que nous allons attirer une centaine de personnes, surtout avec le dernier budget provincial », nous a-t-il confié. Québec prévoit une réduction du financement des universités de 31 millions de dollars en 2025-2026.
Il faut être lucide : le Canada n’est pas un eldorado de la recherche. Dans les dernières années, de nombreuses voix se sont élevées pour dénoncer le manque de générosité des bourses de doctorat et la stagnation des budgets des trois principaux organismes fédéraux de financement de la recherche depuis deux décennies. Le Canada est d’ailleurs le seul pays du G7 à avoir réduit la part de son PIB allouée à la recherche sur cette période. En 2024, 123 scientifiques du Québec et du Nouveau-Brunswick dénonçaient ce « désengagement national » dans une lettre au ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie de l’époque, François-Philippe Champagne.
À titre d’exemple, avant les coupes de Trump, le budget des National Institutes of Health était 50 fois plus important que celui des Instituts de recherche en santé du Canada – pour une population seulement 9 fois plus grande.
Rappelons aussi que, l’an dernier, une série de mesures ont été mises en place par Ottawa pour limiter le recrutement des étudiants et étudiantes étrangers (baisse du nombre de permis d’études octroyés, notamment). Bref, pour ne pas laisser filer ces cerveaux en fuite, il faudrait que le nouveau gouvernement fédéral se donne les moyens de les attraper…
Quoi qu’il en soit, ne nous méprenons pas. Le démantèlement de la science aux États-Unis ne sera jamais une « bonne affaire » pour le Canada. Ces attaques nuisent au monde entier – et aux partenariats de recherche avec le Canada en premier lieu. « De 2019 à 2023, 27 % des publications scientifiques canadiennes ont été produites en collaboration avec des chercheurs américains », rappelait le scientifique en chef du Québec, Rémi Quirion, dans un récent éditorial publié dans Science. D’innombrables projets de recherche sont cofinancés par les deux pays : sur l’Arctique, l’espace, la santé, le climat, les Grands Lacs, l’intelligence artificielle…
« Le Canada pourrait être tenté de profiter de l’occasion pour inciter des scientifiques canadiens, jeunes ou bien établis, à revenir au pays. […] Mais ces efforts ne doivent pas prendre le pas sur le partenariat nord-américain », écrit-il. La guerre des trumpistes contre la science américaine est une guerre contre la science tout court. Et personne n’en sortira gagnant.
Triste de voir nos gouvernements se préoccuper aussi peu de la recherche , il n’y a pas de vraie volonté politique de s’y engager !!
Intéressant et juste mais il manque 2 choses importantes à mon avis:
1- nos diplômés seraient-ils moins bons que des américains? Quels « talents » dans quels domaines? On parle comme si tout était pareil…
2- curieusement certains recteurs et rectrices d’universités francophones ne semblent pas savoir que la grande majorité de ces « talents » à faire venir d’urgence ne parlera pas français…
En somme, une rhétorique de dirigeants universitaires un peu déconnectés de la réalité et à l’esprit colonisé qui pensent que « USA » est toujours supérieur à Canadien et québécois…