Photos: Joseph Moisan-De Serre; François Guay. Concours La preuve par l’image.
Plongez dans l’histoire de deux clichés finalistes du concours La preuve par l’image.
Dans leur quotidien, les scientifiques sont souvent témoins de phénomènes inusités, captivants et d’une grande beauté. Grâce au concours La preuve par l’image, organisé chaque année par l’Acfas depuis 2010, le public peut lui aussi faire une incursion dans l’univers étonnant de la science en découvrant les 20 images finalistes.
Lumineux champignon
Il faut un œil exercé, de la patience et une bonne dose de passion pour repérer ce minuscule champignon bleu d’à peine un millimètre!
« C’est d’autant plus impressionnant que le bleu est rare chez les champignons », s’étonne François Guay, l’auteur de cette photo. Infirmier clinicien de formation, il s’intéresse de près aux microchampignons, minuscules et difficiles à apercevoir. Il ne rechigne pas à s’agenouiller ou à s’allonger au sol muni de sa lampe de poche et de sa loupe pour examiner le tapis forestier. C’est ainsi qu’il a découvert ce spécimen caché sous un arbre mort.
À sa grande surprise, après avoir envoyé cet échantillon à l’Ohio Mushroom DNA Lab pour analyse, le verdict est tombé : il s’agit d’une toute nouvelle espèce de la famille des Clavariaceae!
« Il ne ressemble à aucun autre champignon connu du genre Clavaria. Il est complètement différent et nouveau pour la science », explique François Guay. Il n’a pas encore de nom, mais son aspect délicat, pourvu d’un petit duvet qui fait penser à des plumes, l’inspirera sûrement. « Je vais trouver un nom qui en tiendra compte pour lui rendre hommage. »

Pour obtenir une image d’une telle netteté, François Guay a utilisé la technique du focus stacking, un empilement d’environ 300 clichés pris avec des mises au point légèrement différentes. Les lumières DEL donnent l’impression que les champignons sont bioluminescents. Photo: François Guay/La preuve par l’image
La passion de François Guay pour les champignons est née pendant la pandémie, alors que le temps passait au ralenti. Il a découvert toute la diversité des champignons pendant ses explorations dans la nature et en plongeant dans les livres et les conférences sur la mycologie. Il a ensuite entamé un cours en mycologie à l’Université Laval où Pauline Hessenauer, professeure en pathologie forestière et mycologie, l’a pris sous son aile comme auxiliaire de recherche.
Depuis, grâce à ces explorations, il a contribué à répertorier une soixantaine d’espèces jamais encore décrites au Québec. « Ce sont des espèces connues ailleurs, mais qui n’avaient jamais été signalées ici », précise-t-il. Son aventure se poursuit avec le lancement de Mycosphaera, un projet dédié au développement de la mycologie et à la protection des champignons au Québec.
« On parle souvent de la faune et de la flore dans les efforts de conservation, mais jamais de la fonge [l’ensemble des champignons], regrette-t-il. Pourtant, les champignons jouent un rôle crucial dans nos écosystèmes. »
Pondre ses œufs sur le dos d’une autre espèce
Une mouche surveille attentivement les ébats d’un couple de scarabées japonais. Elle attend le moment opportun… celui où la femelle, immobilisée par l’étreinte du mâle, devient une cible facile pour aller y pondre ses propres œufs!
C’est cette attente qui a été immortalisée par la caméra de Joseph Moisan-De Serres. Le biologiste-entomologiste au Laboratoire d’expertise et de diagnostic en phytoprotection du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation traque justement les insectes ravageurs dans les cultures agricoles. Son travail consiste notamment à identifier ceux qui sont envoyés à son laboratoire, mais aussi à les photographier pour faciliter leur identification.
« Istocheta aldrichi est une mouche parasitoïde du scarabée japonais. Elle pond ses œufs exclusivement sur celui-ci. La larve, en se développant à l’intérieur du scarabée, entraînera sa mort », explique-t-il.

Les scarabées japonais, insectes envahissants originaires d’Europe (comme leur nom ne l’indique pas!), ont été introduits en Amérique du Nord il y a une centaine d’années. La mouche Istocheta aldrichi limite leur population en allant pondre ses œufs dans l’insecte. Les larves, en grandissant, vont dévorer le scarabée de l’intérieur. Photo: Joseph Moisan-De Serres/La preuve par l’image
La photo a été prise en laboratoire où les insectes, scarabées japonais et mouche, ont été placés ensemble dans un environnement avec de vraies plantes. « La mouche s’est elle-même dirigée vers les scarabées », raconte Joseph Moisan-De Serres. Le scientifique guettait l’instant où la mouche passerait à l’action – la ponte se déroule en une fraction de seconde. « C’est la photo que l’on espérait prendre, mais cela ne s’est pas produit », confie Joseph Moisan-De Serres, passionné d’entomologie depuis l’enfance.
Malgré tout, l’image soumise au concours illustre avec justesse la relation entre ces deux espèces. « Le scarabée japonais est un insecte ravageur, mais il est aussi magnifique. Et cette mouche, avec ses yeux rouges et ses poils épais, semble banale jusqu’à ce qu’on regarde de près. C’est là qu’on découvre toute sa beauté », souligne-t-il.
Qu’il s’agisse de champignons minuscules ou d’une mouche en train d’épier un couple de scarabées japonais, ces images rappellent que la nature n’a pas fini de nous étonner… si l’on prend le temps d’observer!