Morceaux de lithium de la collection Dennis s.k. Wikicommons/Dnn87
L’Iran affirme posséder d’immenses réserves de lithium. Le géologue Michel Jébrak nuance ces affirmations.
En mars dernier, le ministère de l’Industrie, des Mines et du Commerce de l’Iran a annoncé que son territoire contenait 20% du lithium à l’échelle mondiale. Cela constituerait la deuxième plus grande ressource de lithium au monde après celle du Chili.
Cette affirmation a alimenté des théories concernant les ambitions de Washington suite à ses attaques sur des bases nucléaires iraniennes; en effet, l’administration Trump ne se cache pas de convoiter les minéraux critiques notamment au Groenland, au Canada et en Ukraine alors que les tensions géopolitiques mondiales s’accentuent.
Ce n’est pas la première fois que l’Iran se targue de posséder d’immenses réserves de lithium, ce métal essentiel à la production de batteries des appareils électroniques et des véhicules électriques, autant civils que militaires.
Comment vérifier ces assertions? Dans son annonce rapportée par les médias iraniens, le gouvernement dit avoir eu recours à un échantillonnage systématique et des analyses chimiques sur 46 sites, faites en partenariat avec la Chine et la Russie. Dans la traduction anglaise de son communiqué – possiblement fautive –, l’Iran dit avoir trouvé des « réserves » de lithium par ces analyses, ce qui implique que l’exploitation est possible.
Gisement avéré ou potentiel?
Selon Michel Jébrak, professeur émérite de géologie à l’Université du Québec à Montréal, il y a une confusion entre deux termes : réserve et ressource. Une réserve est avérée (on parle de gisement exploitable), tandis qu’une ressource est l’objet d’une estimation. La différence entre les deux peut varier énormément, d’un facteur 10 ou 100 selon la concentration du minerai et le coût de production. « C’est un bluff assez typique, qui n’est pas propre à l’Iran. L’industrie des mines exagère toujours, peu importe sa nationalité. L’étude ne prouve pas que le lithium estimé est économiquement exploitable, les tests effectués n’offrent qu’une estimation préliminaire des ressources potentiellement présentes », avance-t-il.
D’ailleurs, poursuit l’expert, « le lithium est produit de manière significative par moins de 10 pays, avec environ quatre pays dominants. Le Canada est au 6e rang. L’Iran n’en produit pas donc il n’est nulle part dans ce classement. Pour sa production de véhicules électriques domestiques, l’Iran importe son lithium de Chine. » L’Australie, le Chili et la Chine occupent le haut du classement.
Où trouve-t-on du lithium?
Le lithium peut être produit à partir de minerai, en particulier la pegmatite qui est une roche magmatique. Il peut aussi être extrait de saumures, dans des lacs salins (c’est le plus gros de la production mondiale). Enfin, on en trouve également dans de l’argile, mais à des concentrations difficilement exploitables, avec des procédés qui demanderaient trop d’énergie. « La première production de lithium au Québec depuis deux ans se fait dans la pegmatite », souligne Michel Jébrak.
La source de lithium la plus riche se trouve dans le Triangle du lithium en Bolivie, en Argentine et au Chili. Les lacs salins y contiennent un peu plus de la moitié des ressources de lithium connues sur la planète.
«Il y a des pegmatites et des lacs salins en Iran, sauf que les analyses du gouvernement ont trouvé des teneurs de 80 ppm de lithium. Or ce qu’on exploite est de deux à 10 fois plus élevé. L’exploitation économique de ce lithium est donc impossible », affirme Michel Jébrak.
L’auteur de l’ouvrage Des mines et des empires, paru cette année, rappelle que « 8,5 millions de tonnes d’argile qui contiennent du lithium avaient été précédemment rapportées par erreur par l’Iran comme étant 8,5 millions de tonnes de lithium pur en 2023. Des techniques sont développées pour exploiter ces gisements, mais elles n’ont pas encore fait leurs preuves. Pour l’instant, exploiter des gisements avec des taux aussi faibles n’est pas rentable. »