Les premiers groupes à avoir peuplé le continent américain sont passés par le détroit de Bering. Image: Shutterstock.
Des scientifiques ont découvert qu’un gène d’origine dénisovienne aurait joué un rôle essentiel dans l’adaptation des ancêtres des Premiers peuples lors de leur migration vers les Amériques.
C’est désormais bien établi : nos ancêtres Homo sapiens ont côtoyé d’autres espèces humaines avec lesquelles ils se sont métissés. Ces espèces aujourd’hui disparues, les Néandertaliens et les Dénisoviens, ont ainsi légué certains gènes aux humains d’aujourd’hui.
Plus précisément, le peuple de Néandertal a contribué à hauteur de 1 à 4 % au génome des humains modernes non africains. Quant à l’ADN dénisovien, il constitue jusqu’à 5% du génome de certaines populations d’Océanie, notamment en Papouasie—Nouvelle-Guinée.
Certains gènes, conservés depuis des millénaires et transmis de génération en génération, ont assurément joué un rôle dans l’adaptation d’Homo sapiens à différents environnements.
Une nouvelle preuve de ce rôle évolutif vient d’être apportée par une équipe américaine, qui a analysé la version dénisovienne d’un gène nommé MUC19. Impliquée dans la production de mucus, cette variante se retrouve aujourd’hui jusque chez le tiers des personnes latino-américaines ayant des ancêtres autochtones (la cohorte incluait des gens du Mexique, du Pérou, de Puerto Rico et de Colombie). S’il est si répandu, c’est que ce gène a dû fournir un avantage aux premiers Homo sapiens qui ont colonisé le continent américain. Selon l’étude publiée dans Science, il s’agirait d’un avantage immunitaire, puisque le mucus forme une barrière contre les agents pathogènes dans les systèmes digestif et respiratoire.
« C’est toujours surprenant de découvrir des variantes génétiques qui se sont répandues à une fréquence élevée grâce à la sélection naturelle chez les humains, car il existe peu de cas bien documentés de sélection naturelle positive chez les humains en général. Alors trouver une variante si fréquente et héritée de populations éteintes est vraiment extraordinaire! » commente Fernando Villanea, de l’Université du Colorado à Boulder, l’auteur principal de l’étude.
Une double origine!
Encore plus fascinant : ce gène dénisovien est encadré, dans le génome des personnes testées, par des fragments d’ADN…néandertalien. Comme s’il était pris en sandwich dans un autre ADN étranger!
Selon l’équipe américaine, une seule explication possible : avant que les Homo sapiens ne traversent le détroit de Béring, les Dénisoviens se sont croisés avec les Néandertaliens en Asie, transmettant la version dénisovienne de MUC19 à leur progéniture métissée.
Puis, dans un second temps, les Néandertaliens métissés se sont croisés avec les Homo sapiens en pleine migration, leur refourguant la variante en question, enrobée dans d’autres gènes à eux. « Cela laisse penser que les Néandertaliens ont peut-être également bénéficié du variant dénisovien de MUC19 », explique Fernando Villanea, généticien spécialiste des populations humaines préhistoriques.
C’est la première fois que les scientifiques identifient un transfert d’ADN des Dénisoviens aux Néandertaliens, puis aux humains modernes.
« Des études antérieures ont déterminé que les Néandertaliens et les Dénisoviens se sont mélangés pendant une longue période de plus de 100 000 ans. On a même découvert un génome hybride d’une adolescente née d’une mère néandertalienne et d’un père dénisovien. Il n’est donc pas surprenant que, lorsque nos ancêtres se sont installés sur les territoires des Néandertaliens et des Dénisoviens, ils se soient eux aussi mélangés à eux. »