Vue d’artiste d’une étoile à neutrons. Image: ESO/L. Calçada/M. Kornmesser
Tout le monde a déjà fait ça : lever le nez au ciel par une belle nuit sans nuages pour contempler le ciel. Étoiles, planètes, astéroïdes ont toujours fasciné les grands comme les petits.
Les astrophysiciens et astrophysiciennes consacrent leur temps à étudier ces objets célestes. Dans cet immense domaine d’étude, les scientifiques doivent se spécialiser : cosmologie, planétologie, physique stellaire… À l’aide d’instruments de mesures et d’observations super puissants (télescope, spectrographe), ils et elles sondent l’Univers pour établir ou tester des théories scientifiques.
Victoria Kaspi, astrophysicienne
Victoria est astrophysicienne et professeure à l’Université McGill de Montréal depuis 2000. La tête dans les étoiles, mais les pieds bien sur Terre, elle est spécialiste des étoiles à neutrons et jongle entre ses travaux, la rédaction d’articles et l’enseignement. En 2016, elle a été la première femme à gagner la médaille d’or Gerhard-Herzberg en sciences et en génie du Canada.
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Entrevue
Entrevue avec Victoria
Pourquoi cette passion pour l’astrophysique et surtout pour les étoiles ?
Star Trek ! Cette série, que je regardais avec mon grand frère, a allumé mon intérêt pour l’exploration des étoiles. J’aimais aussi beaucoup les mathématiques, la physique et les ordinateurs. Je voulais être astronaute, mais je n’ai pas pu, car ma vision était mauvaise. L’astrophysique m’a permis d’étudier les étoiles tout en gardant les pieds bien sur Terre.

Photo: Université McGill
Quelles sont les qualités d’une bonne astrophysicienne ?
Il faut aimer la physique, les mathématiques et exceller dans ces domaines. Il faut être capable de s’exprimer clairement devant un auditoire. Il faut être confiante et optimiste.
Qu’est-ce que tu aimes le plus dans ton métier ?
Rencontrer un problème très difficile à résoudre et trouver soudainement la solution, grâce à de nouveaux résultats et à de meilleures données. Mais cela n’arrive pas tous les jours !
Qu’est-ce que tu aimes le moins ?
La politique a une grande influence dans mon métier et il y a beaucoup de compétition. J’ai quelquefois de très bonnes idées, mais je n’ai pas le temps nécessaire ni l’argent pour les réaliser.
Est-ce que les étoiles que tu étudies sont celles que l’on voit le soir dans le ciel ?
Non, je m’intéresse notamment aux magnétars, des objets qui ne sont pas visibles à l’œil nu, car ils ne sont pas assez lumineux. Ils sont dotés d’un magnétisme hyperpuissant et on peut les détecter par les radiations électromagnétiques de haute énergie qu’ils émettent. Ils sont aussi très petits, environ 20 kilomètres de diamètre, soit la taille d’une petite ville. Certains sont toutefois faciles à étudier avec un radiotélescope.
Quel est le télescope le plus impressionnant que tu aies utilisé ?
Celui qu’on peut voir dans le film GoldenEye de James Bond ! C’est le radiotélescope d’Arecibo à Puerto Rico, une immense antenne parabolique de 300 mètres de diamètre installée dans une dépression au sommet d’une montagne. Ce télescope est malheureusement abandonné et démantelé.
Quelle est l’étoile la plus incroyable que tu aies découverte ?
C’était un magnétar avec un champ magnétique extrêmement intense qui a provoqué une explosion qui a eu des effets très violents sur notre atmosphère. C’est très difficile de comprendre comment une étoile si petite et si éloignée peut avoir autant de répercussions.
Une aventure inoubliable dans ta carrière ?
Un jour, la NASA m’a téléphoné, car l’alarme d’un des satellites qui surveillent les magnétars que j’étudie s’est déclenchée. Un magnétar avait explosé. C’est la première fois que je faisais une découverte par téléphone !
J’ai aussi été choisie en 2019 par la revue scientifique Nature comme l’une des 10 personnes scientifiques importantes de cette année-là pour mes travaux sur les sursauts radio rapides.
Donnes-tu des noms aux nouvelles étoiles pour les identifier ?
Oui, nous donnons des noms numériques qui sont basés sur les coordonnées du ciel.
Est-il vrai que certaines étoiles que l’on voit briller à l’œil nu sont déjà éteintes ?
La lumière a une vitesse très grande, mais pas infinie. La lumière qu’émet une étoile prend du temps pour arriver jusqu’à nos yeux et d’autant plus que l’étoile est éloignée. Lorsqu’une étoile s’éteint, la lumière qu’elle a émise continue de voyager et peut nous parvenir pendant très longtemps. Lorsqu’on regarde le ciel, c’est certain qu’on regarde quelques étoiles qui n’existent plus.
Penses-tu qu’il existe de la vie ailleurs que sur Terre ?
Oui, je pense que c’est possible, mais plutôt une vie bactérienne ou microscopique. La probabilité qu’une autre planète abrite une civilisation en même temps que la Terre et que celle-ci soit assez proche pour pouvoir communiquer avec nous est extrêmement faible.
Penses-tu qu’un jour on pourra vivre sur une autre planète que la Terre ?
Oui, peut-être un jour, mais je ne pense pas que cela soit possible dans les cent prochaines années.
Que penses-tu de l’astrologie ?
Je n’y crois pas du tout. Il n’y a aucune raison valable d’y croire. Il n’y a pas d’évidence que les planètes ou les étoiles ont un impact sur nos vies.
Journée type
Une journée dans la vie de Victoria
Victoria commence sa journée vers 9 heures. Aujourd’hui, l’astrophysicienne n’enseigne pas et se consacre davantage à ses recherches. Comme tous les matins, elle consulte les données envoyées par des télescopes dispersés à travers le monde, pour voir si “ses” magnétars ont fait quelque chose d’intéressant pendant son sommeil.
Elle consacre ensuite les quatre heures suivantes à ses étudiant-e-s gradué-e-s (maîtrise ou doctorat). Ce matin, l’un d’eux a besoin de son aide. Il a écrit un programme informatique qui, utilisé avec des données obtenues par le télescope, donne des résultats étranges. La scientifique lui suggère alors de réaliser des tests plus simples sur d’autres données dont elle connaît les résultats afin d’isoler et corriger le problème.
Pour se tenir au courant des dernières avancées scientifiques, Victoria s’attable à son bureau et parcourt les grandes revues d’astrophysique. La chercheuse n’a pas une minute à elle, après avoir assisté à une dernière réunion avec ses collègues, elle quitte son bureau aux alentours de 17 heures. Mais sa journée est loin d’être terminée. Le soir, au calme chez elle, elle peut enfin se consacrer à ses propres recherches.
Études
Le parcours universitaire de Victoria
Après ses études de baccalauréat en physique à l’Université McGill de Montréal, Victoria a obtenu une maîtrise et un doctorat en astrophysique à l’Université de Princeton (New Jersey). Elle a ensuite réalisé un postdoctorat au Jet Propulsion Laboratory de la NASA (en Californie), et au Massachusetts Institute of Technology (MIT) à Cambridge pour travailler avec le télescope spatial Hubble. Professeure en 1997 au MIT, elle est entrée à l’Université McGill en 2000.
Au cégep
DEC en sciences de la nature (2 ans)
À l’université
Baccalauréat en physique (3 ans)
Maîtrise (2 à 3 ans) puis doctorat (3 à 5 ans) en astronomie.
Ensuite, il faut parfois faire un postdoctorat, l’équivalent d’un grand stage en recherche.
Et après…
Les astrophysiciens et astrophysiciennes peuvent travailler dans des observatoires astronomiques et des centres de recherche. Ils peuvent également être enseignants-chercheurs et exercer leurs fonctions au sein d’une université.