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14 janvier 2022
Temps de lecture : 4 minutes

Retrouver son odorat après la COVID-19, possible ?

Photo: Dmitry Marchenko / EyeEm @GettyImages

Très tôt durant la pandémie, la perte de l’odorat s’est imposée comme symptôme de l’infection au SRAS-CoV-2. Deux ans plus tard, les chercheurs tentent de comprendre comment aider celles et ceux chez qui ce sens n’est pas encore revenu.

Imaginez ne plus percevoir l’odeur du café le matin, l’arôme du pain sortant du four ou encore le parfum d’une personne aimée. Pire encore : et si toutes ces odeurs étaient remplacées par celle de l’eau de Javel ou de l’huile à cuisson qui brûle ?

C’est malheureusement la réalité déprimante de nombreuses personnes qui ont contracté la COVID-19. Même un an après l’infection, certaines attendent toujours de retrouver un odorat normal.

« Aujourd’hui, on sait que 60% des gens infectés par le SRAS-CoV-2 développent un problème d’odorat dans la phase aiguë de la maladie, rapporte Johannes Frasnelli, professeur au Département d’anatomie de l’Université du Québec à Trois-Rivières. De ce nombre, 90% récupèrent leur odorat dans les mois qui suivent l’infection. Mais il reste 10% chez qui ce sens ne revient pas. »

Tous ne sont pas touchés de la même façon. Pour certains, les altérations sont quantitatives, c’est-à-dire que l’odorat est réduit ou absent. Pour d’autres, l’altération est qualitative : les odeurs sont différentes. Ces variations affectent aussi le goût, un sens lié de près à l’odorat.

« La majorité des troubles de l’odorat sont détectés non pas quand la personne ne perçoit plus un parfum, mais bien lorsque les goûts ne sont plus les mêmes, souligne le professeur Frasnelli. C’est sur ce plan que la qualité de vie se détériore le plus. »

Quand les narines vont au gym

L’équipe du professeur Frasnelli est l’un des nombreux groupes de recherche à s’intéresser non seulement aux mécanismes expliquant ce symptôme surprenant, mais aussi aux méthodes pour tenter de renverser la situation.

Car loin d’être statique, l’odorat peut être entraîné, au point où il serait possible de le rééduquer.

« L’épithélium olfactif, le tissu formé de neurones qui captent les odeurs ainsi que des cellules qui les soutiennent, est souvent victime de dommages causés par des virus et des toxines bactériennes, explique le professeur Frasnelli. Pour éviter de perdre ce sens trop facilement, il existe un mécanisme dans les cellules souches du nez qui leur permet de constamment régénérer cet épithélium endommagé. Or, chez une minorité non négligeable de personnes atteintes de la COVID-19, ce mécanisme ne fonctionne tout simplement pas. Pourquoi ? On ne le sait pas encore. »

Plusieurs études remontant à avant la pandémie ont toutefois suggéré qu’en exposant les cellules responsables de l’odorat à des stimulations répétées, il serait possible de faciliter la régénérescence de l’épithélium olfactif et des neurones.

« Tout ce que nous pouvons faire aujourd’hui, c’est soutenir cette régénération, poursuit Johannes Frasnelli. Les cellules souches doivent se développer pour devenir des neurones olfactifs matures. Elles doivent aussi se connecter au bon endroit dans le cerveau. C’est loin d’être trivial! Bien qu’on ne sache pas exactement comment cela fonctionne, différentes études réalisées avant la pandémie suggèrent que s’exposer à des odeurs de façon répétée facilite cette reconnexion. »

Cette possibilité, l’équipe du professeur Frasnelli l’a testée avec une cinquantaine de participants ayant perdu l’odorat au cours de la première vague de COVID-19. Elle a mis leur nez à l’entraînement!

L’étude étant faite à distance pour des raisons de sécurité, les participants ont reçu chez eux une trousse contenant un test d’odorat ainsi que des fioles. Pour certains, les fioles étaient remplies de liquides odorants. Pour d’autres les fioles contenaient un liquide inodore, afin d’avoir un groupe témoin.

« Tous les participants ont débuté avec un test d’odorat sur un petit carton, semblable à un billet de loto. Ils devaient gratter certaines cases pour révéler des odeurs, puis tenter de les identifier, détaille le professeur Frasnelli. Les patients ont aussi rempli un formulaire d’autoévaluation pour estimer leur capacité à percevoir des odeurs. Ensuite, l’entraînement démarrait : on a demandé aux participants de sentir les fioles matin et soir pendant trois mois. »

Au menu : odeurs d’eucalyptus, de rose, d’écorce d’orange et de clou de girofle – des odeurs fortes capables d’engendrer une bonne stimulation nerveuse. Au bout des trois mois, les participants concluaient l’expérience par un second test d’odorat ainsi qu’une nouvelle autoévaluation.

Photo: Dmitry Marchenko / EyeEm @ GettyImages

Une question de perception… personnelle

Alors, l’entraînement olfactif est-il LA solution pour se remettre d’une perte d’odorat en lien avec la COVID-19? L’étude ne permet pas de trancher la question.

« Après trois mois d’entraînement, les patients ne montraient pas d’amélioration significative au score du test d’odorat sur les billets « gratteux », qu’ils aient eu les fioles odorantes ou le placebo », expose le professeur Frasnelli. De quoi conclure que l’entraînement n’avait pas fonctionné.

Mais les choses n’étaient pas si limpides avec l’autoévaluation. En regardant l’opinion que les participants avaient de leur propre odorat après l’expérience, les chercheurs ont remarqué que le groupe réellement exposé aux odeurs estimait avoir un meilleur odorat après trois mois que le groupe ayant reniflé les fioles sans effluves.

Avant l’entraînement, les gens qui avaient droit aux fioles odorantes « évaluaient l’efficacité de leur odorat à 38 sur 100 ; après, ils l’évaluaient à 52 sur 100 », explique le professeur Frasnelli. Chez le groupe placebo, on passe plutôt de 35 à 42 sur 100 en moyenne. « Cette différence de 10 points est subtile, mais elle est significative et similaire à ce que d’autres chercheurs travaillant sur la question ont montré, analyse-t-il. Pour que l’ensemble de notre groupe traité avec de vraies odeurs ressente une plus grande amélioration que ceux ayant reçu un placebo, il doit se passer quelque chose qu’on ne comprend pas. »

Est-il possible que le test d’odorat ne soit pas assez précis pour permettre de détecter une amélioration légère? La seule façon de le savoir est d’effectuer une étude plus en profondeur. « Les travaux actuels ont été faits à distance pour éviter d’exposer notre personnel à la COVID-19, spécifie Johannes Frasnelli. Quand la situation se sera calmée, il sera intéressant d’étudier le cerveau de participants par imagerie médicale, pour voir si l’on remarque des changements objectifs, plus révélateurs que les données subjectives que nous avons récoltées. »

Des études en présentiel permettront aussi de vérifier si un entraînement plus poussé améliore davantage la perception des odeurs chez ces anciens malades.

En attendant, le professeur Frasnelli ne voit pas de mal à recommander quand même l’entraînement olfactif. « Les progrès ne sont peut-être pas frappants, mais je conseillerais quand même à un proche de le faire s’il a perdu l’odorat, conclut le professeur Frasnelli avec le sourire. Il n’y a pas de risque à l’essayer, sauf celui de perdre quelques minutes de son temps. »

Cet article fait partie de notre série «Métamorphose» qui explore des solutions aux nombreux problèmes et défis révélés par la pandémie de COVID-19.

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