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16 novembre 2023
Temps de lecture : 3 minutes

On ne naît pas Poisson : on le devient

L’astrologie gagne en popularité. Pourquoi accepte-t-on les étiquettes qu’elle nous colle?

Je suis une personne présente pour autrui et proche de ses émotions. Je suis également créative et intuitive, mais, avouons-le, un peu passive et influençable.

C’est du moins de cette façon que l’astrologie décrit les gens de mon espèce, les Poissons, qui ont en commun d’être nés entre le 19 février et le 20 mars de n’importe quelle année.

Rien de bien méchant ? Un divertissement comme un autre ? Pas si sûr ! L’astrologie prétend que la position des objets célestes influence le comportement humain. En réalité, c’est peut-être plutôt elle qui a ce pouvoir ! Ses descriptions précises, auxquelles nous sommes exposés dès notre plus jeune âge, modulent-elles notre identité et notre perception des autres ? Ses prédictions orientent-elles notre humeur ?

Popularité croissante

La science a démontré à de multiples reprises que l’astrologie ne fonctionne pas. Mais la question n’est pas là : on ne croit pas à l’astrologie parce qu’on la pense prouvée scientifiquement.

Sur la planète, entre 28 et 71 % des gens en sont adeptes à différents degrés. L’intérêt pour la pratique serait actuellement en hausse ; les réseaux sociaux en sont de puissants vecteurs, par ailleurs. L’époque est particulièrement propice : la recherche scientifique a montré qu’en période de stress et de menace, les populations ont tendance à se tourner vers l’astrologie et les pratiques paranormales. Les guerres, la crise climatique, la pandémie, l’inflation, un divorce, une perte d’emploi : autant de raisons de chercher du sens dans une carte du ciel. (Pour la petite histoire, la première rubrique astrologique à être publiée est parue dans un tabloïd britannique, après le krach boursier de 1929. La popularité fut instantanée.) On peut aussi imaginer que l’astrologie fournisse un sentiment d’appartenance : « Nous, les Poissons, nous sommes comme ça ! »

Dans une étude menée aux Pays-Bas en 1999, des scien­tifiques ont présenté à des individus 96 traits de personnalité et leur ont demandé d’indiquer lesquels s’appliquaient à eux. Ce que les cobayes ignoraient, c’est que ces traits étaient dérivés de l’astrologie. Les résultats laissent croire que les gens qui connaissent leur signe astrologique ont plus tendance à se reconnaître dans les traits qui y sont associés.

Une autre étude, parue en 2016 dans la revue Personality and Individual Differences, a montré qu’une personne qui lit un horoscope positif interprétera ensuite de façon positive les situations ambiguës, comparativement à une autre qui n’aurait pas lu l’horoscope. L’inverse est également vrai : un horoscope négatif fait voir le verre à moitié vide. De plus, la performance des participantes et participants à des tests cognitifs était moins bonne après la lecture d’un horoscope négatif qu’après celle d’un horoscope positif, et leur créativité était réduite.

Ce n’était pas le cas pour un autre groupe soumis aux mêmes tests, mais qui avait lu un texte journalistique traitant d’une nouvelle positive ou négative.

Alors que j’écris ces mots, la rubrique d’un quotidien montréalais me recommande de modérer la cadence, puisque j’ai « les nerfs à vif ». On me dit également d’éviter d’être trop émotive lors de discussions au travail, car cela jouera contre moi, et de cesser de critiquer mes proches à la maison, d’être plus souple avec eux. Comment passer une belle journée avec tout ça en tête ?

Des stéréotypes ancestraux

Un texte d’analyse paru dans la revue Frontiers in Psychology en 2021 explique que l’astrologie nourrit des tendances humaines : voir des motifs dans le hasard, déceler des buts derrière des phénomènes naturels complexes et… stéréotyper les autres.

Ce dernier point frappe dans le mille. Pour nous comprendre, ou pour comprendre les autres, nous nous plaçons dans des cases. C’est plus fort que nous !

En même temps, on revendique de plus en plus le droit de rejeter certaines étiquettes, qui peuvent peser lourd. Les sciences sociales ont ainsi contribué à faire reconnaître que le genre est une construction sociale, que les comportements typiquement féminins ou masculins ne sont pas innés. Pourquoi donc embrasse-t-on son signe astrologique ? (Puisque tout est dans tout : en astrologie, la moitié des signes sont considérés comme masculins et les personnes qui sont nées sous leur influence sont donc extraverties, ambitieuses, actives, pleines de ressources et en quête de liberté, tandis que les six signes féminins sont le lot d’individus introvertis, rêveurs et pessimistes…)

L’Association des communicateurs scientifiques du Québec a eu la brillante idée d’inviter l’ex-astrologue français Serge Bret-Morel lors de son congrès cet automne. Le conférencier a passé 10 ans dans l’industrie avant de la mettre en doute et de finalement en devenir un grand critique (c’est d’ailleurs lui qui m’a fait découvrir l’étude sur l’horoscope de 2016). Lors de son allocution, il racontait que l’astrologie s’invite désormais dans les applications de rencontre, que des individus refusent de flirter avec certains signes du zodiaque, que des soirées sans Scorpions ou Verseaux sont organisées…

La pratique est également présente de façon plus insidieuse sur le marché du travail – heureusement, au Canada, on n’inscrit pas notre date de naissance sur notre CV. Un site d’offres d’emploi québécois indiquait dans un texte publié plus tôt en 2023 que les meilleurs gestionnaires d’équipes sont les Poissons et les Vierges. Tant mieux pour moi !

L’astrologie n’attire malheureusement pas les foules en recherche, un fait que déplore Serge Bret-Morel. Il est pour­tant pertinent d’étudier les effets bien réels de cette croyance sur la vie de ses adeptes. Autrement dit, d’accorder à ce phénomène social une place à la hauteur de sa présence dans la culture populaire, et sur nos fils Instagram.

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Collonica
2 années il y a

Je ne me suis jamais reconnue dans la description faite des poissons
Je suis l’opposé

René Simard
Répondre à  Collonica
2 années il y a

Moi, du 13 mars, je suis du genre requin… Attention.

Collonica
Répondre à  René Simard
2 années il y a

1er mars poisson lion 😉

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