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05 octobre 2023
Temps de lecture : 2 minutes

Décarboner le carbone

À l’automne 2024, soit dans un an, le Canada doit annoncer son plan pour éliminer progressivement le financement public du secteur des combustibles fossiles. Mais pourquoi « progres­sivement » ? Ça urge !

Le gouvernement fédéral explique appuyer « la décarbonation du secteur canadien du pétrole et du gaz ». Aussi bien dessaler l’industrie du sel ! Ou dépolitiser la politique ! Ça ne prend pas un doctorat en chimie pour comprendre que cette rhétorique, mise de l’avant par l’industrie elle-même, est un écran de fumée.

Revenons à la base. Le carbone est essentiel à la vie et se retrouve donc dans tous les organismes vivants. Comme rien ne se perd et que rien ne se crée, la réserve de carbone sur Terre est stable : 1,85 milliard de milliards de tonnes, dont la majeure partie est stockée dans les sédiments et la roche. Le carbone a son cycle, tout comme l’eau. Ainsi, un arbre absorbe du carbone contenu dans l’atmosphère pour croître, et il en relâche lors de sa décomposition. Si un animal mange de l’herbe, sa digestion émettra du carbone, tout comme sa décomposition, à sa mort.

Revenons maintenant au problème : les changements climatiques sont dus au fait qu’il y a une concentration trop grande de carbone dans l’atmosphère ; on en trouve aujour­d’hui 40 % plus qu’au début de la révolution industrielle.

La grande responsable de cette croissance est l’exploitation des combustibles fossiles : charbon, pétrole, gaz naturel. Ces derniers sont en réalité des restes de plantes et d’animaux transformés par le temps, la pression et la chaleur dans les profondeurs du sol, d’où l’utilisation du terme « fossile ». L’avantage : ils produisent beaucoup d’énergie lors de leur combustion. Le désavantage : en les extrayant du sol, l’industrie a perturbé l’équilibre du carbone.

Et on voudrait maintenant la « décarboner » ? Le carbone est son fonds de commerce !

Captage et séquestration

L’industrie génère des émissions de gaz à effet de serre (GES) non seulement lorsque le produit est utilisé, mais également lors de l’extraction des ressources, de leur transport et du raffinage. Et il ne faudrait pas oublier les fuites, qui émergent des puits abandonnés, des usines et du réseau de distribution.

À moins que tous les acteurs de l’industrie ne se mettent au gaz naturel produit à partir de fumier de porc (on ne retire alors rien du sous-sol et on utilise une matière qui émettrait des GES en se décomposant de toute façon), que leurs raffineries fonctionnent grâce aux énergies renouvelables et que leurs réseaux n’aient pas de fuites, leurs activités et leurs produits continueront d’émettre du carbone supplémentaire dans l’atmosphère.

Subventionner les technologies de captage et de séques­tration du carbone ne nous mènera pas plus loin. Dans son dernier budget, le gouvernement fédéral a annoncé une enveloppe de 520 millions de dollars sur cinq ans en crédits d’impôt pour l’investissement dans le captage et le stockage du carbone, occasion sur laquelle l’industrie des combustibles fossiles risque de sauter. Le gouvernement cite d’ailleurs les plastiques (majoritairement faits à base de pétrole) et les carburants comme exemples de sous-industries admissibles.

L’idée semble bonne : il s’agit de recueillir le CO2 produit par une usine et de le stocker dans le sol ou dans un aquifère salin pour rééquilibrer quelque peu le cycle du carbone en déroute. La portée de ces projets est cependant extrêmement limitée pour le moment, et ces installations n’empêcheront pas l’essence ou le gaz de brûler au bout du compte. Si une entreprise pétrolière ou gazière souhaite améliorer son bilan carbone, qu’elle se lance. Mais l’aider à verdir ses opérations revient à financer le problème.

Question d’efficacité

En attendant le plan de l’automne 2024, le Canada a déjà annoncé, en juillet dernier, la fin des « subventions inefficaces » dans l’industrie des combustibles fossiles. Sur papier, cela signifie que le soutien gouvernemental au secteur ne doit pas retarder la transition vers les énergies renouvelables ou l’atteinte des objectifs de l’Accord de Paris. Dans les faits, le financement pourra soutenir la « décar­bonation » de l’industrie.

La Pathways Alliance, qui réunit six entreprises des sables bitumineux canadiens, a d’ailleurs salué l’annonce, alors qu’elle planche sur un projet de captage et de séquestration du carbone de 16,5 milliards de dollars en Alberta. Au vu des profits record de l’industrie en 2022, a-t-elle réellement besoin des deniers publics ?

Le Canada s’est fixé des cibles ambitieuses : réduire les émissions de gaz à effet de serre de 40 à 45 % sous les niveaux de 2005 d’ici 2030 et atteindre la carboneutralité pour 2050. Soyons efficaces.

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