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20 juin 2024
Temps de lecture : 2 minutes

Sortir des sentiers (trop) battus

Le surtourisme pousse certaines villes à prendre des mesures drastiques pour protéger leurs sites populaires et repousser les foules.

Il n’aura pas fallu longtemps pour que les voyages renaissent de leurs cendres, après la COVID qui a figé la planète. Dès cet été, le tourisme international aura retrouvé son niveau pré-pandémique, selon ONU Tourisme, l’agence des Nations unies consacrée à la question. Une bonne nouvelle pour l’économie de bien des régions… Mais un coup dur pour l’environnement et pour la quiétude de celles et ceux qui vivent dans des lieux pittoresques.

Les chiffres sont frappants : on estime que 95 % des touristes visitent moins de 5 % des terres émergées dans le monde. Autant dire que les terres émergées en question paient le prix fort pour leurs charmes ! Pas facile, pour les communautés locales, de gérer (ni de supporter) des hordes de touristes en shorts qui envahissent ruelles, champs et plages, laissant dans leur sillage de la végétation piétinée, des tonnes de déchets, des pénuries d’eau et des logements devenus inabordables.

Le phénomène a un nom : le « surtourisme ». Et il fait l’objet de plus en plus d’études scientifiques, la pause pandémique ayant permis de prendre du recul sur la question – et d’apprécier la tranquillité.

Si les Venise, Paris et autres Barcelone de ce monde sont de vieilles routières dans le domaine, d’autres lieux plus confidentiels ont récemment été propulsés sur le devant de la scène par les réseaux sociaux, en particulier Instagram. Selon certains sondages, environ la moitié des globe-­trotters choisiraient leur destination sur la base d’une image vue sur les réseaux, priorisant les lieux les plus photogéniques…

« Trolltunga, en Norvège, a accueilli moins de 1000 visiteurs en 2009 ; il n’y avait pas de service de cellulaire dans cette partie reculée du monde, à laquelle on accède par une randonnée difficile de 10 heures. Dix ans plus tard, […] le village le plus proche reçoit près de 100 000 visiteurs par an, et on fait la queue pour prendre des photos [sur un promontoire rocheux devenu célèbre] », peut-on lire dans un article scientifique paru en 2023 dans le Journal of Destination Marketing & Management. L’autrice principale, Lauren Siegel, est chercheuse à l’Université de Greenwich, au Royaume-Uni, et spécialiste du tourisme « induit par les médias sociaux ».

Elle cite aussi le cas des îles Féroé, un archipel isolé de l’Atlantique Nord qui accueille 110 000 personnes par an, soit plus du double de sa population. Ou encore le quartier des geishas à Kyoto. Ces artistes, gardiennes des traditions japonaises, sont constamment harcelées par les touristes lorsqu’elles circulent vers leur lieu de travail – bar ou restaurant – maquillées et vêtues de leur kimono.

Tiraillées entre les retombées économiques du tourisme de masse et le ras-le-bol de leurs populations, certaines communes ont tardé à réagir… Mais la riposte s’organise. En mai dernier, la petite ville japonaise de Fujikawaguchiko, proche du mont Fuji, a installé une toile opaque pour masquer le panorama sur le volcan dans un tronçon de rue devenu trop populaire.

Venise, quant à elle, impose désormais une taxe de 5 euros pour les touristes passant moins de 24 heures sur place. Amsterdam, la capitale de la fête en Europe, n’autorisera plus la construction de nouveaux hôtels ; Athènes a instauré un quota de billets quotidiens pour l’Acropole ; Dubrovnik, en Croatie, où a été tournée la série Game of Thrones, n’autorise pas plus de deux bateaux de croisière par jour… Une idée dont le maire de Québec, Bruno Marchand, a dit vouloir s’inspirer pour que sa cité fortifiée – aussi très prisée des croisiéristes – « ne devienne pas un Walt Disney en carton ». Quant aux Îles-de-la-Madeleine, elles réfléchissent elles aussi à mettre en place, de façon optionnelle ou non, une redevance de 30 $ par personne.

Ces techniques relèvent du « démarketing », un concept proposé dans les années 1970 par des chercheurs américains et qui a été appliqué historiquement à des domaines tels que les jeux d’argent ou la consommation de tabac. Mais l’approche commence à faire ses preuves face au surtourisme, notamment dans les parcs naturels et les villes patrimoniales. Le but : décourager la demande touristique à un endroit donné ou à un moment de l’année.

Cette dissuasion peut prendre d’autres formes que les quotas de visiteurs et visiteuses, les taxes et l’interdiction des photos dans certains quartiers. Il peut s’agir pour les offices de tourisme d’arrêter de promouvoir des destinations saturées, d’inciter aux séjours hors saison, de retirer certains sites des cartes locales, voire de montrer le vrai visage des lieux surfréquentés, en dévoilant l’envers des photos d’Instagram… Certains sites, comme le parc national de Yellowstone, dissuadent les photographes de passage de géolocaliser leurs clichés. À Vienne, une campagne a carrément incité les touristes à ranger leurs téléphones le temps de leur séjour. L’idée ? Renouer avec le tourisme authentique. Celui qui consiste à regarder avec ses yeux plutôt qu’avec son appareil photo, à s’immerger dans une culture, à explorer toute une région plutôt qu’un seul point de vue spectaculaire et à faire des rencontres réelles plutôt que virtuelles. Une suggestion inspirante pour votre été ?

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