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06 avril 2023
Temps de lecture : 3 minutes

Une aire protégée sur Mars

Image: Aynur Zakirov/Pixabay

S’il est difficile de s’entendre sur les questions de conservation sur Terre, le débat sera encore plus ardu ailleurs dans le cosmos.

En mars dernier, le chercheur Boris Worm de l’Université Dalhousie, en Nouvelle-Écosse, nous disait que la signature du premier traité sur la haute mer était l’une des meilleures nouvelles de sa vie. Rien de moins ! Cet accord, signé par les pays membres des Nations unies après plus de 20 ans de négociations, prévoit la protection de 30 % des eaux internationales d’ici 2030. Le but est d’en conserver la biodiversité.

Il est urgent que le traité soit mis en application, car, pour le moment, c’est le Far West en haute mer. On ignore encore quelles activités industrielles seront permises ou proscrites dans les futures aires protégées, mais on peut espérer que la surpêche, la destruction des habitats et l’exploitation minière des abysses seront découragées. Le traité prévoit déjà que des études d’impact sur l’environnement devront être réalisées.

En attendant, pourquoi est-ce la pagaille dans les zones internationales des océans ? C’est que les mers n’appartiennent à personne en même temps qu’elles sont à tout le monde. Qui serait assez idiot pour se priver de ressources que les autres exploitent déjà ?

Le désordre en orbite

Il existe un autre lieu à la propriété indéfinie : l’espace. Vous me direz que le cosmos ne peut nous appartenir. Je vous répondrai que cela n’a pas tellement plus de sens pour la mer…

Quelques jours après la signature du traité sur la haute mer, un groupe de scientifiques publiait une lettre ouverte implorant les États de tirer des leçons de ces longues négociations et de protéger au plus tôt l’orbite terrestre. On y trouve déjà un billion de fragments de vieux satellites. Et la tendance ne peut que s’accélérer : si 9000 satellites tour­nent actuellement autour de la Terre, ils seront entre 60 000 et 100 000 d’ici 2030. Autant d’appareils qui vont un jour se désintégrer et menacer d’entrer en collision avec d’autres engins spatiaux.

Les astronomes craignent le pire face à l’encombrement de l’orbite terrestre. Il y a deux semaines, une équipe internationale a publié une étude montrant qu’entre 2002 et 2021, 2,7 % des images captées par le télescope Hubble contenaient au moins un trait blanc, signe du passage d’un satellite pendant l’exposition. Si l’équipe qualifie ce taux de « petit » et considère comme négligeables ses effets sur la recherche scientifique, elle prévient que la donne sera différente très bientôt. Les probabilités qu’un satellite traverse le champ de vision de Hubble seront de 20 à 50 % lorsqu’il y en aura 60 000 à 100 000 en orbite.

La valeur des lieux sans vie

Il sera difficile de convaincre tous les États du monde d’agir pour protéger cette zone lointaine qu’on ne peut admirer que la nuit, quand il n’y a pas trop de nuages ou de pollution lumineuse. Il faudrait pourtant faire bien plus et se pencher dès maintenant sur la question du cosmos en entier ! Les étoiles, les planètes, les lunes, les astéroïdes et le vide interstellaire ont-ils une valeur intrinsèque ?

Sur Terre, la conservation est intimement liée à la protection des espèces et de la biodiversité, bref, de la vie. À ce qu’on sache, les prochaines destinations des explorations humaines n’en abritent pas. Peut-on y faire tout ce qu’on veut pour autant ? Il faudra trancher sur nos obligations morales, et ce, tous ensemble. Le Traité de l’espace, qui date de 1967, est beaucoup trop flou pour encadrer les scénarios fous qui nous attendent.

Bien sûr, le désir d’exploiter l’univers pour faire de l’argent sera vif. Également, les changements climatiques et la vo­lonté de protéger la vie sur Terre nous entraîneront assurément sur ce terrain mouvant un jour. Depuis 2012, par exemple, des équipes scientifiques planchent sur un concept étonnant : utiliser le sol de la Lune pour bloquer les rayons du Soleil et réduire l’ampleur du réchauffement climatique. Un groupe en a publié la dernière version dans PLOS Climate en février dernier : pour réduire de 1,8 % le rayonnement solaire, il faudrait extraire 1010 kilos de poussières lunaires par année et les lancer vers le point de Lagrange L1. Pourra-t-on encore parler de la « pleine lune » ?

Serait-ce acceptable ? Faut-il désigner des aires protégées sur l’astre sélène ? Sur Mars ? En 1993, le chercheur néo-zélandais Alan Marshall affirmait que la planète rouge a une valeur intrinsèque. Pour étayer son argumentation, il rappelait que l’étendue de ce que l’humain perçoit comme sa « communauté » a beaucoup évolué. Au départ, seuls les hommes étaient considérés, puis les femmes ont été incluses, tout comme les membres des autres groupes ethni­­ques, puis les animaux. Cette extension ne pourra que se poursuivre pour inclure les plantes, les microbes et le non-vivant, affirmait-il. Ses opposants y voient plutôt un sophisme de la pente glissante.

Collaboration internationale

Ces négociations qui viendront assurément seront ardues. Mais elles seront riches, selon l’astrophysicienne Erika Nesvold, fondatrice de l’organisme JustSpace Alliance, qui milite pour un futur spatial juste et inclusif. La protection de l’environnement n’est d’ailleurs qu’un des multiples enjeux auxquels l’humain fera face dans l’espace, dit-elle. Il faudra songer au droit du travail là-haut, à la criminalité, à la nationalité des enfants qui y naîtront…

« Je pense qu’une façon dont nous nous améliorons en tant qu’espèce consiste à réaliser ensemble de grands projets difficiles, comme apprendre à vivre dans l’espace, à la fois technologiquement et sociologiquement. Je pense donc que le voyage lui-même nous aidera à grandir et à mûrir », déclarait-elle en entrevue avec Wired en mars. Ce n’est pas que la destination qui compte ; le voyage lui-même est important.

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