La chercheuse Sonia del Rincon tente de court-circuiter la multiplication des cellules cancéreuses dans son laboratoire de l’Institut Lady Davis de l’Hôpital général juif. Ses ennemis jurés sont le mélanome, la forme la plus létale de cancer de la peau, et le cancer du sein.
C’est un peu la fatalité qui a mis Sonia del Rincon sur la piste du cancer. Alors qu’elle commence son doctorat, des membres de sa famille reçoivent un diagnostic de cancer du sein et de l’utérus. Au fil de ses travaux, elle développe un intérêt pour les métastases, ces cellules cancéreuses qui migrent vers d’autres organes et qui annoncent le plus souvent le début de la fin.
Pour certains cas avancés, l’immunothérapie, qui utilise les forces du système immunitaire du patient ou de la patiente pour lutter contre la maladie, a heureusement changé la donne. Elle a toutefois ses limites : avec le temps, une certaine résistance s’installe, et les cellules métastatiques peuvent déjouer les cellules immunitaires.
L’équipe de Sonia del Rincon s’intéresse justement à des molécules produites en quantité anormale par les cellules tumorales et qui les aident à échapper à la vigilance des sentinelles immunitaires. Leur nom : les kinases MNK1 et 2.
Dans le mélanome et le cancer du sein, de nombreux gènes ont muté, et on observe une suractivation des kinases MNK1 et 2, précise la chercheuse. Cette surexpression de MNK1 et 2 est notamment associée à la production de protéines qui « alimentent » la prolifération des cellules cancéreuses et leur propagation.
Peut-on faire taire MNK1 et 2, pour maintenir l’efficacité de l’immunothérapie ? C’est l’objectif des travaux réalisés dans le laboratoire de Sonia del Rincon depuis 2018. Chez les souris, les résultats sont encourageants. Celles à qui on administre des traitements inhibiteurs de kinases voient leur tumeur grossir moins rapidement et leur espérance de vie augmenter. En d’autres mots, les cellules immunitaires, en particulier les lymphocytes T cytotoxiques, véritables patrouilleurs d’infections et du cancer, stimulées par l’immunothérapie, peuvent reprendre leur travail plus efficacement.
Vers la suite
Si les études précliniques laissent espérer des résultats chez l’humain, on est encore loin de la recette miracle, souligne la scientifique, qui collabore avec plusieurs spécialistes de l’Hôpital général juif en plus d’enseigner à l’Université McGill. « Tous les chercheurs veulent quelque chose de curatif », dit-elle, soulignant que l’immunothérapie a permis de rallonger la vie des personnes atteintes d’un mélanome métastatique, sans les guérir.
Les travaux autour de MNK1 et 2 se poursuivront au cours des prochaines années, trois étudiants aux cycles supérieurs supervisés par Sonia del Rincon ayant reçu des financements du Fonds de recherche du Québec – Santé. « On va établir des collaborations avec des chercheurs de l’Université de la Floride et du Texas qui font des recherches cliniques. On espère un jour combiner les inhibiteurs de MNK1 et 2 et l’immunothérapie chez des patients présélectionnés pour le mélanome uvéal, par exemple. »
Les membres de la famille de la chercheuse ont heureusement survécu à leur cancer. Elle poursuit le travail pour tous les autres.
Photo: Département d’oncologie Gerald Bronfman de l’Université McGill
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