Selon l’Organisation de coopération et de développement économiques, entre 30 et 50 % des incapacités et des maladies de longue durée de la population active sont imputables à un trouble mental (lié au travail ou pas). Le taux de rechute après un retour au travail varie entre 20 et 80 %.
La maladie mentale coûte plus de 50 milliards de dollars à l’économie canadienne par année. Après une pause, le retour au travail doit être soigneusement planifié pour éviter la rechute. Les travaux de Marc Corbière, professeur au Département d’éducation et pédagogie de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), mettent notamment l’accent sur l’importance d’une concertation de chaque acteur du retour au travail : supérieurs, ressources humaines, spécialistes en assurances et personnel de la santé. Certaines entreprises misent même sur une personne pour coordonner le retour au travail : le ou la « CoRAT », qui agit en tant que chef d’orchestre entre toutes ces parties prenantes.
Jean-Paul Dautel fait le même constat. Pour sa thèse de doctorat, le professeur en santé et sécurité du travail au Département de relations industrielles de l’Université du Québec en Outaouais (UQO) a mené des recherches sur le processus de retour au travail de personnes ayant un trouble de santé mentale dans trois secteurs d’activité : le service postal, la santé et les entreprises informatiques.
Sa conclusion : les organisations disposent de peu de solutions adaptées pour accompagner ces personnes, encore très stigmatisées. « Il n’y a pas de logique de reprise efficace d’activité. Il faut penser que le retour au travail doit faire partie de la thérapie », dit l’avocat de formation.
Selon lui, l’entreprise doit mener une réflexion en amont de la reprise du travail de ces personnes afin d’établir les causes de leur absence. Cela permettrait que les membres du personnel s’absentent moins longtemps. « À l’aide d’un questionnaire soumis aux gestionnaires, on peut comprendre ce qu’il s’est passé et collecter des informations sur la situation de l’employé, ainsi que sur son environnement de travail », pense le chercheur.
Jean-Paul Dautel poursuit aujourd’hui ses recherches avec Mélanie Dufour-Poirier, professeure à l’École de relations industrielles de l’Université de Montréal, sur la prévention des atteintes à la santé mentale causées par le travail. Le duo s’est intéressé notamment aux stratégies de prévention mises en place par les syndicats dans le secteur aérospatial.
« Les syndicats, mais aussi l’ensemble des acteurs du travail, dont l’employeur, ont tous de la difficulté à reconnaître le caractère collectif des dysfonctionnements », constate la chercheuse.
Il y a dans ces organisations très peu d’interventions de prévention primaire, en amont, qui viendraient « poser un regard sur le travail qui a rendu la personne malade » et qui aideraient à éliminer à la source l’apparition des problèmes de santé.
La prévention se doit donc d’être collective et « coconstruite », soulignent les deux scientifiques, qui visent à « décloisonner la réflexion ». Selon eux, il faut cesser d’individualiser les problèmes, car tout le monde a une part de responsabilité.
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