Dans une société où tous les sujets deviennent polarisants, certains jeunes sont séduits par la simplicité des idées radicales. Et tombent parfois dans le piège de l’extrémisme violent.
En dépit des messages de lutte contre l’intimidation, on assiste à une augmentation vertigineuse des crimes haineux sur des enfants et des jeunes (+198 % entre 2019 et 2022, selon Statistique Canada) et à une misogynie croissante dans les écoles… Ces actes sont les reflets d’une polarisation plus globale de la société. Ils relèvent parfois d’une véritable radicalisation, soit « un processus selon lequel des personnes adoptent un système de croyances […] en vue de faire triompher une idéologie, un projet politique ou une cause comme moyen de transformation sociale », selon la définition donnée par le Centre de prévention de la radicalisation menant à la violence.
La professeure au Département de psychologie de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) Ghayda Hassan s’intéresse au sujet depuis de nombreuses années. Elle a notamment travaillé sur un projet longitudinal mené dans huit cégeps et dirigé par Cécile Rousseau, professeure au Département de psychiatrie de l’Université McGill.
Le projet est né dans la foulée du départ de plusieurs jeunes vers la Syrie, à partir de 2014, pour rejoindre les rangs du groupe État islamique. Mais les jeunes ne sont pas ciblés que par des groupes extrémistes religieux, souligne Ghayda Hassan. « Aujourd’hui, on voit des groupes d’extrême droite, de suprémacistes blancs, des influenceurs comme Andrew Tate, qui visent les jeunes dans les écoles », fait-elle remarquer.
Ce projet, dont les données continuent d’être analysées, a permis de constater que le contenu violent et les recruteurs atteignent et ciblent en effet des publics de plus en plus jeunes, influençables. Si les recherches indiquent qu’aucun profil ni aucune trajectoire type ne sont associés à la radicalisation, « la justification de la violence est corrélée à la présence de symptômes dépressifs et anxieux et aux expériences de discrimination. Plus la personne a vécu de la discrimination, plus elle justifie la violence dont elle fait preuve », souligne la psychologue clinicienne, fondatrice et directrice du Réseau des praticiens canadiens pour la prévention de la radicalisation et de l’extrémisme violent.
Autre constat : il y a une corrélation négative entre religiosité et justification de la violence. Contrairement à certaines idées reçues, les jeunes qui disent avoir la foi ou font preuve d’une plus grande religiosité, ou encore ceux qui ont un réseau social dense, sont ceux qui défendent le moins le recours à la violence.
Pour Ghayda Hassan, il est important de connaître les déterminants de la radicalisation pour mettre en place des politiques de prévention. Des mesures qui touchent autant l’ensemble de la population, en améliorant les conditions de vie et l’accès à l’emploi par exemple, que les populations à risque, au moyen d’activités d’insertion sociale.
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