Grâce à des microscopes parmi les plus performants au monde, une équipe de l’Université McGill contribue à mettre au point des vaccins nanotechnologiques contre des maladies infectieuses et même certains cancers.
« Elles sont absolument magnifiques ! » s’exclame le biochimiste Joaquin Ortega, directeur scientifique de la Plateforme de recherche en microscopie électronique (FEMR) du Centre de recherche en biologie structurale de l’Université McGill. Les photos qui suscitent l’admiration du chercheur ont été prises avec le cryomicroscope électronique Titan Krios. En figeant les échantillons biologiques à -180 °C, cette énorme machine permet d’observer de minuscules molécules dans leur état naturel, en pleine interaction.
Ce jour-là, Joaquin Ortega observe des protéines du virus de la grippe formant une couronne sur la paroi extérieure de petites vésicules rondes, appelées liposomes, d’à peine quelques dizaines de nanomètres. Les liposomes en question sont constitués de phospholipides-porphyrine-cobalt, ou CoPoP, ce qui permet aux scientifiques d’y ancrer des protéines, comme celles du virus de la grippe. Ces liposomes à CoPoP ont été développés par l’équipe de Jonathan Lovell à l’Université de Buffalo, mais ils constituent le fondement d’une collaboration de plus de 12 ans avec l’université montréalaise.
Recouverts de protéines virales, ces liposomes deviennent un vaccin innovant : en exposant ainsi les protéines étrangères à leur surface, ils maximisent en effet la capacité du système immunitaire à reconnaître ces protéines, puis à les cibler en cas d’infection. Et c’est précisément cet arrangement de protéines virales hérissées sur le liposome que les chercheurs ont pu observer à travers la lentille de Titan Krios. Il s’agit de la « caractérisation du vaccin », une étape nécessaire avant les essais cliniques, fait valoir Dominic Arpin, étudiant au doctorat sous la supervision du Pr Ortega. En fait, les infrastructures de la FEMR sont parmi les rares sur la planète à pouvoir produire rapidement un nombre considérable d’images de ces liposomes.
« Cela permet de confirmer que leur processus de fabrication est homogène, et aussi que les protéines sont bien incorporées, qu’elles ne sont pas agrégées, qu’elles sont bien accessibles à la surface du liposome afin de déclencher la réponse immunitaire désirée », explique-t-il.
Pratique et polyvalent
Selon les protéines qu’on fixe sur le liposome CoPoP, le vaccin peut cibler différents pathogènes. L’équipe de Buffalo l’a ainsi testé, chez l’animal, contre la grippe, la COVID-19 et le paludisme. Les vaccins CoPoP peuvent être produits rapidement et ils restent stables à température ambiante. « Ils peuvent être lyophilisés – donc complètement asséchés, réduits en poudre et ensuite redissous avant d’être administrés. Ça facilite le processus de distribution et le rend moins cher, ce qui est particulièrement utile dans les pays à faible revenu ou les endroits reculés », dit Joaquin Ortega.
Un liposome CoPoP peut aussi exposer à sa surface plusieurs protéines virales différentes et ainsi fournir un vaccin multiple. Cela présente un avantage considérable contre la grippe, dont plusieurs souches virales circulent simultanément. Plutôt que de tenter de prédire annuellement quelle sera la souche dominante en circulation, avec un succès parfois discutable, le vaccin CoPoP pourrait immuniser d’un seul coup contre différentes souches. Et les premiers essais cliniques sont encourageants…
Le saviez-vous ?
- Les entreprises POP Biotechnologies (États-Unis) et EuBiologics (Corée du Sud) testent l’approche CoPoP contre divers agents infectieux.
- Le vaccin contre la COVID-19 de EuBiologics fait l’objet d’essais cliniques de phase 3.
- Un vaccin CoPoP exhibant six protéines de la grippe a donné des résultats prometteurs chez les souris contre les sous-types H1N1, H3N2 et B, selon une étude parue dans Cell Reports Medecine.
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